18 juin 2009

Gaspésie 1



Je m'en vais "Percé" les mystères de la Gaspésie pour une semaine.

Rien de mieux pour se remplir d'images sublimes.



Faire court ou faire long...

Faire court ou faire long? Cette question se pose depuis peu concernant l'édition d'articles de journaux ou encore de littérature.Car les gens auraient moins de temps pour lire, semble-t-il, alors la tendance serait de raccourcir, de faire "short and sweet". Un des succès en librairie aux États-Unis serait: "Not quite what i was planning: six word memoirs by writers famous and obscurs". Dans le Time de Londres on parlerait de la "haïku generation".

Je me pose tout de même cette question : est-ce un problème de temps ou bien d'efforts? Je parle d'efforts de pénétration, de méditation et d'analyse.

Je comprends ce désir très légitime et humain d'aller droit au but, de ne pas se perdre dans des dédales de complexités abstruses ou encore de ne pas pelleter des nuages à tout propos. Faire court et simple a du bon. Parfois, une image ou une expression bien sentie vaut mille mots. Je l'admets. Est-ce nécessaire et approprié en tout? Là est la question...

En affaire, lorqu'il faut performer dans certains sports, lorsqu'il y a un danger à éviter, au travail l'adrénaline doit souvent nous faire carburer au quart de tour, dans un court laps de temps. Et de fait, moins il ya de paroles ou de mots et mieux c'est.

Néanmoins, il est peut-être temps de reconnaître que l'agir et l'utilitaire à tous crins ont fini par envahir la littérature, nos réflexions, notre spiritualité, bref tout ce qui concerne l'expression d'une certaine abstraction, de l'imaginaire ou encore de l'apprentisage des complexités de ce monde, même des histoires que nous nous racontons.

Faire plus en moins de mots, car il n'y a pas de temps à perdre. Donner à lire pour gens pressés. Mais le sommes-nous donc tous si pressés, tout le temps? Qu'est-ce qui nous fait tant courir pour ne plus avoir, ne serait-ce qu'une petite minute, du temps pour lire ce qui prolonge notre vie dans l'imaginaire ou dans les profondeurs de notre être intérieur? Est-ce la peur ou encore l'impatience? Est-ce la recherche de l'euphorie à tout prix afin d'oublier nos problèmes et meubler un vide de sens qui nous accable?

Nous finissons ainsi par nous satisfaire exclusivement de slogans, de trucs et d'astuces, de titres de journaux afin de comprendre et approfondir une réalité des plus complexe.

À moins que nous soyons tous devenus subitement des génies, y-a-t'il une raison à désirer nous nourrir ou nous contenter exclusivement de fast food?

Pouvons-nous vraiment faire l'économie de temps et de mots sur le dos de ce qui, par essence, exige une lenteur, un approfondisement, une pénétration en douceur et de longues méditations?


17 juin 2009

Déchirement

"Celui qui a dit: "mon âme est déchirée" ne s'est pas trompé. C'est évident qu'elle est déchirée. Il est impossible d'imaginer quelqu'un dont l'âme ne soit pas déchirée. Une pierre est parfaite, un morceau de bois l'est aussi à sa façon.

Mais l'homme!

L'homme est plein de contradictions, de désirs et aspirations opposés. Son conflit intérieur est permanent. L'harmonie n'est pas la fin de son déchirement, mais son équilibre."

Marc-Alain Ouaknin, "Bibliothérapie", Ed. Le Seuil.

Folie douce

Je te suis du coin de l’œil petite folie douce. Toi qui n’attends rien du monde, qui évites les pourquoi et qui ne penses à rien sinon qu`à fredonner tout doucement des airs inventés.

Je m’inocule tes faveurs homéopathiques. Tu secoues mes malaises de tes mains délicates et laisses ta carte de visite chaque fois pour que je ne t’oublie pas. Tu es ce vaccin féroce quand il le faut, lorsque la véritable folie s’active dans mes veines. Je le sais, j’y ai gouté et senti ton clair fluide juste à temps, maintes fois, dans ces moments qui s’éternisaient et m’arrachaient à la vie.

Tu es ce doux remède face aux venins qui nous guettent.

Affaire privée

« Le grand malheur de notre temps est que justement la politique prétend nous munir, en même temps, d'un catéchisme, d'une philosophie complète et même quelquefois d'un art d'aimer. Or le rôle de la politique est de faire le ménage et non pas de régler nos problèmes intérieurs. J'ignore pour moi s'il existe un absolu. Mais je sais qu'il n'est pas de l'ordre politique. L'absolu n'est pas l'affaire de tous : il est l'affaire de chacun. »
Albert Camus (La crise de l'homme, p.11, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)

16 juin 2009

Voyage extrême


"Tirez-vous une chaise et parcourrez l'univers. Hissez des voiles sur votre dos, attachez-les à votre front. Laissez entrer le vent et ses dix mille soleils puis franchissez le temps en bondissant d'étoile en étoile.

Voyagez en vous-mêmes. Cette vie est un théatre de jeux sans pareil et qui pourrait dire, qui pourrait certifier que votre demeure et l'extrémité du bout du monde ne possède pas la même quantité de merveilles?"

Passage obligé

Dans son livre "À la recherche d'un monde meilleur" Ed. Du Rocher, 2000, à la page 83, Karl Popper cite Isaac Newton en ces termes :" Je ne sais pas quelle impression je fais au monde. À moi-même je me fais l'impression d'être un petit garçon qui joue au bord de la mer. Je me suis amusé à ramasser ici et là un gravillon plus lisse que les autres, ou un plus joli coquillage - cependant que, devant moi, inexploré, s'étendait le grand Océan de la vérité." Popper ajoute ensuite qu'Einstein, lui-même, appelait sa théorie de la relativité "un éphémère".

Cette modestie devant les inextricables mystères de la vie et de la nature devrait nous servir de modèle. En science, bien sûr, mais aussi et surtout lorsque l'idée nous prend d'aborder la compréhension de l'être humain, sa conscience, son comportement et "last but not the least", ses croyances.

Je peux accepter les religions et toutes idées que l'homme se forge sur son obscur passage en ce monde, son "pourquoi" et son "comment l'améliorer". Ce que je n'accepte pas et ce dont je serai toujours rebelle, c'est la prétention de ces êtres qui s'arrogent un droit d'autorité absolue et qui, par manque total d'humilité, en viennent à obliger leurs semblables à les croire de manière aveugle sans possibilité de contestations et de discussions critiques.

Je sais que la tentation est grande de se reposer entre les mains d'une autorité, qu'elle soit institution ou personne, qui se croit garante d'un savoir universel, immuable et infaillible. Mais quoi qu'il en soit, malgré ces velléités de contrôle absolu, malgré ce désir trop humain de tout régenter et d'imposer des directives dans le but avoué d'asseoir son pouvoir et d'avoir raison sur l'ensemble du monde, malgré cela, le génie créateur de maints individus et chercheurs continue de battre la mesure et suivre le rythme des changements.

La recherche de la vérité continue encore et toujours. Il n'y a pas de repos, les discussions possibles, nécessaires.

Chercher, explorer et critiquer est sain. Expérimenter et éprouver, incontournable. Détermination, courage et modestie, des attitudes obligatoires pour qui se lance pieds nus sur le long chemin des possibles. Cependant...

Repos et certitudes sont les deux mamelles de l'infantilisme et de l'obscurantisme.

15 juin 2009

Carpe diem


Un troupeau de carpes batifolait dans la bordure vaseuse de la rivière. La surprise fut totale. J'entendais bien de joyeux clapotis avec ces dos et ces queues qui émergeaient de l'eau en se débattant. Mais il fallut que je m'aproche davantage en compagnie d'un autre homme pour m'en assurer.

C'était, en effet, de grosses carpes bien dodues.

Leurs écailles dorées brillaient au soleil pendant qu'on les voyait fouiner dans la vase à la recherche de nourriture. Et ça fouinait gaiement, laissez-moi vous le dire, surtout qu'ils mesuraient au moins cinq mètres de longs et pesaient à peu près une tonne. Du gros bétail, fait pour des histoires de pêche invraisemblables...

Je vous parle de ces carpes, car il y a quelques années à peine la mort régnait dans les eaux de cette rivière Saint-Charles qui serpente Québec.

Un vieil homme m'a entretenu d'une époque pas très lointaine, trente, quarante ans pas plus, lorsque nous pouvions admirer dans cette même eau les carcasses finies de nos gros gibiers : pneus, frigos, matelas ainsi que tout un assortiment de débris longeant la rivière sur plusieurs kilomètres. Et cela, sans compter les vapeurs toxiques qui surgissaient d'industries polluantes ainsi que de nos propres égouts.

"Ça faisait vraiment pitié, me disait-il, et mon vieux père aurait pu vous dire la même chose, lui qui pêchait ici avec ses amis, dans sa jeunesse."

Maintenant la vie a repris le dessus. Grâce à nos bon soins, il faut le dire.

Mais pas besoin de la pousser, la vie. Suffit de ne pas lui nuire. Enlever, faire attention. Pas du plus, rien que du moins.

* Mise à jour du 7 juillet 2009 : d'après un article du journal Le Soleil, édition du 4 juillet 2009, ces carpes ne cherchaient pas de la nourriture mais plutôt à s'accoupler.

J'aurais dû le deviner... Mais je suis très heureux que les carpes ne pensent pas qu'à se nourrir.

Paradoxe

"Je suis de plus en plus attaché à cette idée que le bonheur ne provient que du détachement".

12 juin 2009

Cette petite ligne...


Au levé, une musique, une chanson ou encore un air connu viennent imprégner tout doucement ma conscience.

Ils naissent spontanément et semblent avoir pris racine de l'autre côté du monde, à l'intérieur des derniers rêves qui s'effilochent.

La journée sera bonne encore...

J'attends alors avec impatience la naissance d'une petite ligne de poésie ou encore une pensée empreinte de douceur qui réconforte.

Les sujets d'émerveillement de manquent jamais.

Et ce n'est pas la course effrénée de l'existence ni les angoisses ordinaires qui viendront bousculer cette place de choix que j'accorde à ces éclats de beauté qui parsèment le quotidien.

11 juin 2009

Now!

"Il y a des matins où l’on sait que maintenant on n’est plus pareil, car on s’aperçoit que l’on est maintenant…!" (Jo. T.)

Fable


Parfois la créativité nous entraîne en des lieux mystérieux qui font découvrir des liens surprenants entre des réalités à première vue irréconciliables.

En guise de défi, je me suis un jour lancé dans l'écriture d'une fable, façon Jean de la Fontaine, avec morale comme conclusion ainsi que l'utilisation d'animaux pour bien l'illustrer. La "classique". Et pour rendre la chose encore plus simple, j'ai choisi deux petites bêtes qui ont tout en commun... : le Requin et la Coccinelle. Le mariage entre les deux fut consommé à l'usure.

Un requin se baladait dans l'onde pure
Quand surgit du ciel, des nuages, du soleil,
Nous ne savons, quelle merveille!
Une coccinelle à l'orange pelure.

La demoiselle savait voler,
Il en est sûr;
Mais par dessus tout, elle adorait causer.
Se disait:"savante de la parlure".

Elle approcha le maître des eaux,
Qui ne broncha, peu s'en faut,
Et s'agrippa à sa nageoire
Comme il se doit, selon son bon vouloir.

C'est que l'énergumène,
Si minuscule soit-elle,
Se targuait de plus beau des spécimens,
Et que cela méritait respect, sans appel.

"Salut à toi, ogre des mers,
S'annonça-t-elle, sans préambule.
Je subodore, à ton approche, la marque de la colère.
Ou bien est-ce que je fabule?"

"Je suis venu ici pour t'haranguer,
Mais n'est-ce pas plutôt en enfer
Que j'aurais dû te rencontrer,
Fils de Lucifer."

"Comment, tu ne bronches donc point?
Ne sens-tu pas, irresponsable,
Que le jour n'est pas loin
Où tous nous t'appellerons: "Bête du diable"?

"Je suis, quant à moi,
Celle que l'on nomme: "Bête à bon Dieu".
Et on ne peut guère trouver mieux
Si cela est possible, dans cet emploi."

"Mais voilà le temps venu,
Pour faire un discours bref,
De bien trancher la question, sans grief.
De replacer les choses, comme elle sont dues."

"Tes jours sont comptés, seigneur du requin.
Et ne cherches pas à te sortir du pétrin.
Tu auras beau te pavaner, sûr de toi,
Tu finiras aussi dans la casserole, sans éclat."

Nageant dans sa mer tranquillité,
Notre rustaud en eut bientôt assez.
La bêtise avait pondu son ouvrage,
Ne restait qu'à venger l'outrage.

Ce requin ne fit ni un ni deux,
Et fidèle à ses principes
Balaya simplement la queue,
Puis avala l'intruse avec ses tripes.

Que reste-t-il à dire d'après vous
D'un si funeste destin?
Faut-il n'y voir qu'un banal festin
D'un être plein de courroux?

Si de l'un la nature fait mal paraître,
Néanmoins il ne saurait être autre.
Mais prétention à jouer le bon apôtre
Est bien puni car "qui veut faire l'ange fait la bête"!

10 juin 2009

Répétez apres moi...

Lu dans la Presse (décembre 2008) sur un auteur, Malcolm Gladwell. Il a publié un livre qui fait fureur actuellement: "Le point de bascule". Cet auteur estime, d'après ses recherches, qu'il faut dix ans à raison de quatre heures par jour, qu'il faut dix mille heures de répétition et de travail pour maîtriser un tant soit peu une compétence, un art, une technique.

À moins d'être un génie absolue, on ne peut s'en sortir.

Le succès n'est jamais affaire de miracles. La part demeure toujours grosse de travail, de patience , de répétition.

Et c'est bon pour tous les Robert Lepage, Bill Gates, Roger Federer, entrepreneurs, artistes, sportifs de renom de ce monde. Je ne sais pas si vous avez lu en quoi consiste une journée d'entraînement de Tiger Wood. Assez hallucinant!

Il faut comprendre, à n'en pas douter, que la réalisation d'une oeuvre ou la maitrise dans quelque domaine que ce soit est une histoire de courage qui va à l'encontre de toutes les facilités proposées à droite et à gauche.

Une question de constance et de répétition.


Si j'avais su...

Il n’y a rien de plus beau qu’un être qui apprend, qui se concentre et admet ne pas savoir. Il n’y a rien de plus beau qu’une humilité acceptée pour la fierté légitime de connaître.

9 juin 2009

Se mettre au parfum

Mille fleurs, un million de pétales de roses pour ne produire enfin qu’un minuscule flacon d’où jaillissent quelques mots d’amour au parfum enivrant.

Est-ce que ce sacrifice en vaut la chandelle?

Cette énergie qui emporte avec elle ces millions de pensées, d’image et de mots et qui après avoir surmonté digue, barrage, distillation, obstructions et méandres finit par dessiner un court poème, un aphorisme, une seule ligne d’un roman ou d’un essai.

Ce travail de solitude qui soutire l’huile essentielle d’un univers de possibilités vaut-il le coup?

Dur labeur

[...] écrire, c'est avoir une très haute conscience de soi-même, et c'est avoir conscience que l'on n'est pas à la hauteur, que l'on n'y a jamais été.
Christian Bobin (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 82)

8 juin 2009

Opinion sur rue


Je me suis sérieusement penché sur la question. De près. Assez pour en humer encore les effluves après l'avoir triturée sur le long et sur le large... puis l'avoir mise de côté. En voici le constat :"Il en va des opinions comme des flatulences. Celles des autres sentent toujours mauvais et finissent par nous atteindre comme des poignards plantés aux creux de notre sens commun."

Je parle des bruits de bouche.

Je pense à un assortiment hétéroclite de tentatives d'éclosion de la pensée. Qui se réduisent trop souvent à l'affirmation de peurs, d'insécurité, de mépris, d'apitoyement sur soi, de préjugés, de victimisation. Et qui sont amplifiées par les médias qui s'en délectent, car ils en font leurs pains et leurs beurres.

Je ne veux pas tomber dans le sarcasme et le cynisme facile. Je veux comprendre pourquoi tout ce bruit.

Ces odeurs fétides, en même temps.

Je veux comprendre ce besoin de canulars, de rumeurs, de légendes urbaines, de baratinage, de bitchage, de visions de complots, de fin du monde et de catastrophes à venir.

Je veux comprendre ce désir d'affirmation des "vraies affaires" et du gros bon sens, des évidences et des indignations. Qui ne sont encore que du bruit pour moi.

Je vais revenir sur ces sujets.

Comme dirait mon ami Claude :" (...) présenter l'ombre afin de faire désirer la lumière." Ou, ici, présenter le bruit afin de faire désirer le silence.

Le bruit me fascine, car c'est le silence qui me comble.

Mark Twain a dit :"Il n'y a pas moyen de découvrir pourquoi un ronfleur ne peut s'entendre ronfler."

S'entendre faire du bruit, on le peut!

Simplicité involontaire

"Nous ne sommes pas attirés par la vérité. Nous ne cherchons essentiellement que des affirmations qui nous plaisent."

5 juin 2009

En pélèrinage chez Fred

Si vous avez une petite déprime ou que simplement un goût de contes et d'histoires extraordinaires vous prend, n'hésitez pas à plonger dans le monde de Fred Pellerin. Ce gars-là est un fou de génie, un conteux du tonnerre, un p'tit vlimeux du rêve fabriqué avec un bric-à-brac invraisemblable.

Prenez par exemple cette histoire tirée de son dernier livre, "L'Arracheuse de Temps". Elle raconte le destin mystérieux d'un immense pommier centenaire, "une beauté inélaguée", qui avait poussé en V sur deux branches distinctes à partir du tronc. Ce pommier fournissait toujours des pommes en abondance et belles à regarder mais que personne n'avait jamais osé goûter, car on croyait dur comme fer à une malédiction reliée à cette fourche de l'arbre. Des pommes empoisonnées sur une branche et sur l'autre, non. Mais quels côtés choisir? On préférait s'abstenir.

Jusqu'au jour où une jeune fille "osa le fruit" sur une des deux branches et ne mourrut pas. Tout de suite on s'empressa de couper l'autre branche "par principe d'élimination" afin de croquer la pomme en toute sécurité. Ce fut la fête jusqu'au moment où un grand vent se leva et déracina l'arbre complètement.

On en tira une conclusion, un postulat "que les vieux se répètent encore" à savoir que :"la branche de la mort, ça pousse sur le même tronc que la branche de la vie. Et que c'est bien mieux de laisser ça tel quel."

Mesdames et messieurs, Fred Pellerin!!

4 juin 2009

Gros poissons

Je suis enclin à approuver ces mots du poète anglais Keats, même s'il désire l'imposible quand il nous exhorte, quand il nous demande si nous sommes : " (...) capable d'être dans l'incertitude, le mystère et le doûte, en oubliant l'exaspérante quête de la vérité et de la raison."

Nous voulons, nous désirons plus que tout autre chose une certitude, un résultat, une conclusion définitive, sans appel, et rapidement si possible. Est-ce la paresse ou notre volonté de confort qui nous guide ainsi?

J'approuve ces mots de Keats, ai-je dit. Mais une fois engagé dans cette quête de l'insaisissable, est-il possible vraiment de rebrousser chemin? Si nous persistons, peut-on envisager que l'exaspération finisse un jour par s'étioler, tout en ayant conscience qu'en filigranne est conservée la beauté sauvage du mystère irrésolu?

Pêcher dans l'absolue demande de la patience, beaucoup de patience, car le gros poisson mord rarement à l'hameçon.

Tranches de vie

J'aime bien commencer mes journées, espadrilles aux pieds, marchant et trottant autour de ma Saint-Charles revampée.

Ce matin, deux fois 70 ans de bonshommes, au moins, m'ont dépassé comme si de rien n'était au moment où j'enjambais le pont "de la Pointe-aux-Lièvres". Ça clopinait tout croche, les pattes arquées, clip clop, clip clop. Les muscles noués comme des branches de vieux pommiers. Des corps qui ont dû gruger bien des kilomètres dans leurs vies... Mais de la vitalité à revendre, animée par je ne sais quel diable.

Plus loin, une jeune femme à vélo tirant son carrosse avec deux poussins frais éclos à l'intérieur. L'autre extrémité de la vie. Celle au millier de visages. Les poussins gazouillaient et j'entendis au même moment un bruant chanteur leur répondre.

Pendant ce temps, la rivière coulait, silencieuse.

2 juin 2009

Bodies


Je ne sais pas pour vous, mais moi je vais sûrement aller voir cette exposition présentée tout l'été dans le Vieux-Port de Québec.

Au-delà de la controverse suscitée par la provenance des corps, cette incursion dans les entrailles de l'homme a de quoi fasciner. Il n'est quand même pas donné à tous de pouvoir jouer les chirurgiens ou médecins légistes d'un jour...

Je me suis pris à imaginer ce que pourrait être une exposition semblable, mais sur l'Esprit ou la Conscience de l'être humain.

Les « entrailles de l'âme » figées et plastifiées telles qu'elles sont réellement, dans toutes leurs horreurs ou leurs splendeurs, selon le cas.

1 juin 2009

Un peu de poésie que diable!

Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.


Jules Supervielle (La Fable du monde)

Le son de la Terre

Imaginons la déesse Gaïa — la Terra-Mater des Romains — revenue du fond des âges pour entendre la musique que fait sa planète lorsqu’elle tourne sur elle-même. Jadis, lorsqu’elle était encore présente dans le cœur des hommes, elle aimait sentir cette curieuse vibration qui l’enveloppait tel un tourbillon de vent. La terre se roulait alors à ses pieds en murmurant d’étranges mélopées et le son produit agissait toujours comme une caresse dont elle ne se lassait jamais.

Elle s’approche maintenant et tend l’oreille. Elle remarque tout de suite une effervescence, une agitation forcenée à la surface du corps céleste. Elle se concentre à nouveau et recherche désespérément la vibration délicieuse, ce HUM étincelant qui l’obsédait tant. Peine perdue. Le bruit des hommes a tout dévoré comme un trou noir.

Avant de s’en aller, elle se penche une dernière fois et écoute avec effroi ce qui réussit à recouvrir si peu délicatement le chant délicieux venu chercher. Des cris, des bruits de bottes martelant le sol, le grincement acide du métal, les grondements de foules en pâmoison devant leurs sauveurs patentés, des gémissements et des pleurs, clameur sans fin de réprobations, chahut et tumulte, cacophonie des ondes, machinerie titanesque grugeant s’il le fallait jusqu’aux étoiles, agitation désordonnée, voix de stentor désarticulées exhortant à la haine. Le chant de la terre enseveli sous la vapeur toxique des bruits de l’homme.

Gaïa en pleur se retire, des larmes de désespoir glissant en silence sous des yeux éperdus, aspirée vers une maigre lueur de quelques contrées lointaines.