22 décembre 2010

Une carte de Noël



À tous les enfants, mes enfants, ces merveilles…

Voici ma carte de Noël que je vous demande d’imaginer et de glisser délicatement dans votre lieu préféré, en vous-mêmes.

Sur sa partie supérieure, voyez comme la lune toute pleine déborde de sa vraie lumière malgré la course échevelée des nuages. Imaginez cette lanterne chinoise couleur crème qui tient le fort pour vous. On annonce une éclipse pour cette nuit, il faut profiter de son éclat, n’est-ce pas?

Sous l’immensité du ciel, représentez-vous un territoire sinueux de glace qui danse à travers une chanson de neige, des monticules hantés de traînes sauvages, des lampadaires au garde à vous, éparpillés ici et là. Plus à gauche, près d’une sentinelle d’arbustes variés, coule la rivière transie de froid, une force tranquille en armistice.

Je vous dévoile un décor, une parure d’enchantement, mais il y a beaucoup plus encore…

Essayez maintenant de visualiser un fou heureux qui glisse à la vitesse du son sur un miracle de glace. Sans réfléchir, il ose tout à coup un triple boucle piquée suivi d’un double axel… dans sa tête. Du jamais vu! Il poursuit ensuite sa course échevelée; son voyage de lames affûtées mord dans le cœur même du silence. Imaginez ensuite une musique, mille violons qui s’élèvent pour l’accompagner. Cet air lumineux qui le prend par la main, il le connaît bien, il l’aide à défier la gravité, à filer en douceur.

Le fou sourit, le fou se défoule.

Il continue son parcours et arrive dans un immense cercle au milieu duquel resplendit un sapin colossal coulé dans la lumière. Des millions de lucioles l’entourent, on dirait qu’ils l’embrassent, qu’ils s’accrochent à son corps. Le voyez-vous?

Surgit une fillette qui tourne sur elle-même. Arabesque, saut de valse, pirouette simple embaument le temps qui s’arrête. La beauté piétine la dureté, là même où nul soupçon de grâce n’aurait même envie de naître.

Il y a le sapin de lumière, la lune échevelée, la musique, l’enfant qui danse et le fou qui contemple le spectacle comme étant sa seule raison d’être.  
           

20 décembre 2010

Les Fêtes, c'est pas un cadeau...

Quand arrive le temps des fêtes, une sorte d’instinct me pousse à décrocher. J’ai alors envie de me retirer de cette ambiance fébrile qui nous agite comme un mouvement brownien déclenché par une force hors de nous.On ne s’appartient plus, on appartient plutôt à cet état gazeux en suspension qui se met à tournoyer et nous, infimes particules, nous perdons tout contrôle.

Je n’apprécie pas cet état. Il vient se greffer à cette condition de consommateur vorace que nous sommes déjà, de même qu’à l’abondance quasi obscène qui nous englobe. D'ailleurs vous arrive-t-il parfois de penser : « Que vais-je lui offrir comme cadeau, il, ou elle, a déjà tout? »

Nous avons déjà tout, certes. Mais il me semble que nous manquons, malgré ce tout, du réel nécessaire.

En premier de liste : du temps. S’offrir du temps pour soi, pour se reposer, mais aussi pour l’autre qui aimerait tellement qu’on le reconnaisse, qu’on l’apprécie pour ce qu’il est, qu’on lui accorde un moment, une attention. En deuxième de liste : de l’écoute. S’écouter bien sûr, mais aussi s’arrêter un peu, cesser tout babillage pour tendre une oreille attentive et entendre l’autre avec tout le respect qu’il nous est possible de lui donner.

Donner de son temps et de l’écoute attentive, en faire une tâche consciente, être déterminé dans cet accomplissement durant cette période des fêtes. Au moins durant cette courte période, si c’est trop difficile le reste de l’année.

Avec sincérité, avec humour, avec esprit, avec amour, sans rien exiger en retour, sans nous mettre en avant-plan.

S’ouvrir.

Je ne peux parler pour les autres, mais si on me demandait quel est le plus beau cadeau que j’aimerais recevoir ce serait celui-ci : une conversation, un dialogue exceptionnel avec quelqu’un d’heureux, qui écoute comme un dieu, qui questionne plutôt que d’essayer de me donner des réponses, dont la folie douce est aussi contagieuse que celle d'un enfant, mais dont le sérieux me rempli de confiance, m’allume et m’exalte, et m’accompagne sans juger.      

17 décembre 2010

À la manière de W. Allen

"Je suis résolument optimiste mais… qu’est-ce que ça me donne?"

Ne rien comprendre...

Une histoire tirée du merveilleux livre de Tom Keve : Trois explications du monde, publié chez Albin Michel. Un roman de cinq cent pages où défilent des chercheurs et scientifiques de renom comme Jung, Niels Bohr, Pauli, Freud, Heisenberg, Gödel, le Chatam Sofer, Einstein, Ferenczi et bien d’autres qui se sont rencontrés pour mettre en commun leurs découvertes sur la nature même des choses et établir un lien étroit avec la profondeur de l’esprit humain. À lire si la physique quantique, la psychanalyse et la Kabbale vous intéressent. Mais à lire surtout pour découvrir tous les tâtonnements, les doutes et les souffrances endurées par ces chercheurs devant le « grand inconnu » qui obsède et dont ils voulurent percer le mystère.

Cette histoire aurait été racontée par le physicien Niels Bohr lors d’une conférence présentée en 1922 à Göttingen. 

Il était une fois un rabbin miraculeux qui voyageait par monts et par vaux; un jour il arriva dans un village. Les anciens de la communauté, heureux d’accueillir un homme si célèbre, le prièrent de faire un sermon, et même un ensemble de sermons. Un garçon particulièrement vif était assis au premier rang et écoutait intensément le sage. Le soir même, le jeune rentra chez lui et vint trouver son père : « Père, dit-il, j’ai été tellement ému par le sermon du rabbin. Il était réfléchi et profond, c’était un modèle de clarté. J’ai compris tous les mots qu’il nous a dits. » Tout naturellement, le jour suivant, le garçon était à nouveau au premier rang, avide d’écouter le sermon du rabbin. Puis il rentra chez lui, encore plus enthousiaste, encore plus impressionné. « Père, dit-il, le second sermon était encore plus profond que le premier. C’était l’extase, J’étais bouleversé. Bien sûr, c’était trop difficile pour moi. Je n’ai pas vraiment compris tous les mots que le rabbin disait. Mais lui, il les comprenait, et c’est l’essentiel. » Le jour d’après, le garçon rentra chez lui, impatient de raconter à son père ce qui s’était passé. « Père, dit-il, père, le rabbin a surpassé les splendides sermons d’hier et d’avant-hier. C’était éblouissant. C’était exaltant. C’était grisant. C’était sublime. Bien sûr, je n’ai rien compris. À vrai dire, c’était si profond que même le rabbin ne comprenait pas. Mais Dieu le comprenait, et c’est l’essentiel. »

15 décembre 2010

Présent!

"Ne regarde ni en avant ni en arrière, regarde en toi-même, sans peur ni regret. Nul ne descend en soi tant qu'il demeure esclave du passé ou de l'avenir."

Emil Michel Cioran, De l'inconvénient d'être né. 

14 décembre 2010

Le noyau dur

Venons-nous de plus loin que nous le croyons, allons-nous plus loin aussi?

Ces questions sont fixées en moi et forme un noyau dur autour duquel je tourne sans cesse, en y jetant un regard parfois suppliant, parfois dubitatif. Ce noyau est-il insécable? Est-ce que je peux le briser sans danger, sans produire une réaction en chaîne comme une fission nucléaire?

Telle une planète autour de son soleil, je me sens uni à ce noyau, il n’a de cesse de réchauffer mon existence et de faire germer quelques graines de sagesse ici et là. Sa lumière m’incite à regarder, à observer et voir.

Je pense qu’une partie de soi, la plus grande partie en fait, se trouve dissimulée quelque part au sein de ce noyau. Sinon comment m’expliquerais-je son attrait si irrésistible?

Il y a un manque et ce manque se cache là, en son cœur.

Souvent, je me dis que c’est peine perdue, tu perds ton temps, tu ne pourras jamais percer le mystère de sa présence! Je m’éloigne alors, confus, avec mes doutes et mes misères. La vie continue, à peine changée, mais avec cette image en filigrane, toujours palpitante, de cet ensoleillement qui vient s’accrocher à mes fragilités. Je cesse alors de m’agiter, me retourne, reprend le même chemin à l’envers avec un nouveau bagage qui vient nourrir la survivance du noyau, qui me remercie à son tour en irradiant pour moi d’autres problèmes à résoudre, qui me dit aussi que ça lui plait de me voir si contrarié, si sérieux alors que cette tâche, tout compte fait, n’est pas si difficile, elle m’occupe dignement, n’est-ce pas?

Que de fois je l’enverrais promener! Que de fois mon noyau dur je le hacherais menu pour qu’il cesse son attraction, sa fascination!

C’est peine perdue. Je peux m’en détacher, mais jamais y renoncer.  

Une nuit, en rêve, je me suis approché tout près de lui. Il avait pris la forme d’un quartz bleuté suspendu au-dessus d’un échiquier fait de bois rares et précieux. Je le voyais vibrer. Une pensée me vint qui me signifia de me détendre puis de m’allonger près de lui. Je sentis alors un souffle, un vent qui m’entoura et j’ouvris la bouche pour respirer cette trombe. Ma vraie nourriture…

Venons-nous de plus loin que nous le croyons, allons-nous plus loin aussi?


* Photo: Mathieu Plante
    

13 décembre 2010

Souffrance et beauté

"C'est de la souffrance que naît la beauté."

David Desjardins  (Voir)

7 décembre 2010

Un univers de mille mots

Comment rivaliser avec la télévision, la photo numérique, le cinéma, les jeux vidéo? Comment rivaliser avec l’ordinateur, You Tube, l’IPad, l’IPhone dont la matière première est la diffusion d’images captant l’attention d’un public de plus en plus avide et nourrit à la petite cuiller?

Je vois mes enfants et tous ces jeunes gens qui évoluent et grandissent dans un monde fabriqué par les nouvelles technologies dont la nature même est de les ensevelir d’images, de films et de « flashs ». Et je m’inclus dans ce tourbillon, car j’ai grandi avec l’arrivée de la télévision, j’adore le cinéma. Je suis fasciné par ces images qui montrent avec tellement de réalisme des phénomènes scientifiques dans certaines émissions télé.

Inutile de s’opposer à ce flot. Il est là pour rester.

Mais lorsque je pense à l’écriture et à la lecture, je ne peux m’empêcher de souligner que ces deux activités subissent de jour en jour une plus forte et brutale confrontation avec cette omniprésence de l’image.

Une image vaut mille mots, disons-nous. Alors, pensez à ce que peuvent faire un million d’images. L’écriture, la lecture peuvent-elles encore survivre dans de telles conditions?

Je suis de ceux qui croient tout de même qu’avec mille mots, seulement mille mots, nous pouvons construire des mondes chargés d’histoires, de personnages inoubliables et de situations extraordinaires. Qu’avec mille mots, nous pouvons même envisager d’influencer des dizaines ou centaines de gens, de leur apporter un baume lorsqu’ils vivent des situations difficiles. De les toucher au point de les faire réagir et réaliser que leur situation n’est pas sans issues possibles.                                                

Une image vaut mille mots, mais que penser de mille mots bien choisis pour pénétrer dans un univers de significations, de grandeur, de beauté? Un univers qui magnifie l’homme au lieu de le diminuer. 

Je rêve à un concours où des écrivains de toutes provenances, de toutes catégories, pourraient nous éblouir avec seulement mille mots.

L'art et la vie

« Celui qui n’a pas ajouté à la vision de l’homme, ne serait-ce qu’un peu d’acuité, n’est pas un écrivain… La tâche de l’artiste est d’engendrer la joie… Percevoir la vie comme une perpétuelle nouveauté, voilà le terrain fertile sur lequel l’art s’épanouit et porte ses fruits. »   

Robert Lalonde citant Constantin Paoustovski dans :"Le monde sur le flanc de la truite"

3 décembre 2010

Corrida

"Pareil au taureau qui s’entête à poursuivre le chiffon rouge brandi devant son nez par le toréro, l’être sans consistance se verra manipuler à ses dépens jusqu’à ce qu’il en coûte de sa propre vie."

2 décembre 2010

Wiki... euh!


Le plus difficile est de rien exprimer de négatif sur l’autre, le laisser tranquille. Il est ce qu’il est, c’est tout. Si c’est dans sa nature de japper, il jappe, si c’est dans sa nature de « requiner, il requine ».

Mais pour le diplomate qui doit pondre un rapport, laisser une note, écrire ce qu’il pense à son responsable puisque voilà son travail, là c’est une autre affaire. Et des notes, il en laisse à profusion : des propos corsés, des jugements lapidaires, du baratinage, des observations bizarres, etc., comme nous sommes tous en train de l’apprendre présentement par les médias.

Donc, premier réflexe, de trouver jouissives les révélations faites par WikiLeaks. Comme si nous venions tout à coup de débusquer l’hypocrisie chez les grands de ce monde. Comme si nous ne savions pas que c’est dans la nature même du diplomate ou d’un représentant aux affaires étrangères que de se montrer simplement poli avec cet autre qui habite ailleurs et qui fait si peur, car il figure l’inconnu.

Nous, c’est autre chose, nous disons toujours la vérité, nous ne nous cachons jamais. La transparence irradie de notre être…

Permettez d’en douter un instant.

WikiLeaks n’a fait qu’élever au-dessus de nos têtes un miroir pour montrer ce que nous sommes.

Dostoïevski, l’écrivain russe dont il est dit qu’il apposait un regard lucide et pénétrant sur le monde a écrit ceci : « N’importe qui veut se venger de sa nullité sur quelqu’un. »

Il y a des mots et des paroles prononcés qui s’échappent sans doute souvent dans le même but.

30 novembre 2010

Les mots

J’ai une méfiance instinctive envers les mots. « Ce qui est vraiment dit, ce n'est jamais avec des mots que c'est dit. Et on l'entend quand même. Très bien. » Christian Bobin est juste : notre manière d’être parle à tue-tête et ne saurait mieux signifier ce que nous sommes vraiment.

Les mots ont leur limite et chacun en fait un emploi à sa mesure. Ils servent à dire l’indicible et à cacher l’évidence. Ils se montrent lourdauds lorsque la légèreté serait de mise et frivoles lorsque le moment demande du sérieux et de l’application.

Bref, il en va des mots comme des gens et ce qu’il faut soutirer d’eux exige patience et discernement.

Il y a des mots comme Amour-Dieu-Bonheur qui nous touchent de près, car ils se rapportent au sens commun, à une connaissance partagée de tous. Mais que sont-ils exactement, que représentent-ils? Expliquez-moi avec précision. Comme le Temps nous connaissons leurs effets sur notre vie et leur absence témoigne implicitement de leur réalité. Mais est-ce tout?

Je crois le danger bien réel de les employer sans pudeur et sans précaution, car ils perdent alors de leur valeur, de leur force ainsi que de leur emprise avec la réalité, avec ce sens à la vie toujours à recréer. L’autre danger non moins important est de sombrer dans une sorte de fétichisme des mots, croyant que certains d’entre eux sont chargés de pouvoir et qu’il suffit de les dire pour faire apparaître la réalité ainsi nommée. Les mots ne sont pas les choses et tomber dans cette croyance des « mots chargés » ne manifeste que le désir inavoué de contrôler autrui, de l’impressionner ou pire, de notre incapacité à faire l’effort voulu pour percer le mystère de nos vie avec nos propres mots, nos propres images et expériences.

Il y a aussi toute cette palette de mots qui circulent au-dessus de nos têtes dans le paysage public et que nous entendons et lisons sans que nous leur prêtions une attention particulière. Ils sont les sésames qui ouvrent toutes les portes à la bonne pensée, celle qui se perçoit comme « correcte » et que nous devons utiliser à bon escient afin de bien paraître en société, de bien nous vendre ou d’accumuler un capital de sympathie.

Combien de fois avez-vous lu ou entendu les mots « durable », « équitable », « responsable » et « vert » ces dernières années? Il y en a d’autres de même acabit, et à chaque fois j’ai l’impression qu’on veut marteler ma conscience et m’enfoncer un pieu de force dans le cœur.

Bobin encore : « Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous en dit long sur leurs intentions. »

Et que penser de cette remarque de Gustave Le Bon trouvée dans Aphorismes du temps présent : « En politique, les choses ont moins d’importance que leurs noms. Déguisées sous des mots bien choisis, les théories les plus absurdes suffisent souvent à les faire accepter. »

Dites peu, avec respect, et je vais vous inviter chez moi…

29 novembre 2010

Question de point de vue

« Je suis parti pour toujours… revenir. »

Dès que ma décision fut prise de me réfugier chez moi, je sus que j’étais en partance pour un voyage exigeant ni visa ni passeport. Après plusieurs années de service au travail et dans le bénévolat, une porte s’ouvrait, un grand vent m’empoigna dans son tourbillon irrésistible et je m’engouffrai résolument, corps et esprit, dans une aventure singulière.

Tout ça sans que rien n'y paraisse. Partis pour toujours revenir, explorant tout en demeurant sur place, changeant de point de vue et de perspective à volonté. Rester de marbre au milieu de l’exaltation et de l’émerveillement.

Lors d’une maladie il y a plusieurs années, j’ai eu un premier aperçu de ce qui m’attendait. J’étais assis dans mon salon, sans énergie, perclus de fièvre. Je hurlais d’impuissance pendant qu’une amaryllis nouvellement acquise pour sa beauté révélait ses formes devant moi en me narguant. Elle croissait à vue d’œil pendant que je décroissais au même rythme. Je fermai les yeux et je me retrouvai au milieu de l’océan, seul dans une tempête sur un tout petit bateau et puis, tout à coup, la perspective changea : je regardais du haut du ciel et plus bas il y avait une fourmi sur un brin d’herbe se balançant au milieu d’une minuscule flaque d’eau. Rien de plus...

Quelques jours plus tard, nouvelle expérience. Je suis toujours assis, résolu à perdre mon temps. Une nouvelle vision apparaît aussitôt mes yeux fermés. Je suis en selle sur un cheval en course. Je m’accroche à sa crinière et il me transporte à une vitesse folle sur un étroit sentier qui grimpe sur le pourtour d’une immense montagne. Je ressens le mouvement avec force, le vent dans mon visage, la peur du vide. L’expérience dure plusieurs minutes puis je reviens dans mon salon, immobile, prisonnier de ma faiblesse, de cette maladie qui tarde à s’envoler.

Maintenant je me dis que tout est question de point de vue. Dans les moments les plus ardus, notre conscience va et vient. Immobiles, nous bougeons malgré tout. Par contre, l’agitation peut quand même nous faire reculer ou nous entrainer au fond de sables mouvants inextricables sans possibilité de remonter à la surface.

Se retirer n’est pas battre en retraite. L’activité peut se camoufler sous une apparente passivité.

Et il n’y a que nous qui le savons.

26 novembre 2010

Apprivoiser l'invraisemblable

« (…) On peut montrer que l’apprentissage nous conduit toujours vers quelque chose de plus invraisemblable et non pas toujours vers quelque chose de plus vraisemblable; plus quelque chose devient vraisemblable au sens de la théorie de la vraisemblance plus cela devient creux et inintéressant. Seul l’invraisemblable est intéressant.

La nouveauté est toujours totalement invraisemblable! »

Karl Popper, Konrad Lorenz, L'avenir est ouvert.

25 novembre 2010

Manger


Elle mangeait son pain aux raisins accoté sur la poubelle près de l’entrée de l’épicerie. Elle plongeait sa main dans un sac coloré et sortait une tranche à avaler. Rien de plus. À sec. Je l’observai quelques instants. Elle semblait satisfaite de son lunch, le peu qu’elle pouvait manger en attendant de partir, car la pluie tombait dru cette journée-là.

Manger n’est pas un luxe ou un privilège exclusif accordé à un certain nombre seulement. La faim est le symptôme d’un besoin de base pour tous. Lorsque je vois un être humain se sustenter de si peu dans un monde d’abondance comme le nôtre, je ne pense qu’à fermer les yeux et à prier pour sa survie, à imaginer un peu plus pour lui, un meilleur sort.

Je me retournai en marchant. La jeune fille tenait une autre tranche de pain aux raisins dans sa main. Moi j’avais mon sac d’épicerie plein et m’apprêtais à aller garnir mon frigo.

Pour la millième fois, je me suis dit qu’il ne fallait pas, surtout pas, gaspiller cette nourriture que je choisis avec précaution et qui me comble.

Je le répète souvent à qui veut l’entendre : j’ai en horreur le gaspillage de nourriture. Je ne peux admettre, je ne peux comprendre et accepter que tant de gens, des millions dans le monde, ne mangent pas à leur faim alors que nous jetons sans vergogne et avec dédain ce qui devrait être sacré pour nous.

C’est un grand bonheur et un honneur que de manger à sa faim.

http://www.cyberpresse.ca/vivre/consommation/200906/15/01-875826-un-aliment-sur-trois-est-jete-au-canada.php

23 novembre 2010

Le grand amusement

« Le plus beau cadeau que vous pouvez offrir à Dieu, si tant est que vous puissiez offrir un cadeau à celui qui possède déjà tout, ce plus beau cadeau serait de l’amuser... »

22 novembre 2010

Vérité et mensonge

"Tu es dans le mensonge et, moi, je suis dans la vérité, est la parole la plus cruelle qu'un homme puisse adresser à un autre."

Tolstoï

19 novembre 2010

Rumeur


Tous les extraits suivants sont tirés du livre de Max Picard, Le monde du Silence, publié en 1954. Je les crois encore d’actualité. Le bruit est omniprésent, les rumeurs enflent, propulsées par les médias et les réseaux sociaux. Tout se dit et la quantité de mots et de pensées prédomine, dans l’espérance qu’une vérité sortira peut-être du lot comme par miracle…

Il me semble qu’une bonne cure de silence nous ferait grandement du bien.

« Dans ce monde de la machine qui est rumeur figée en fer, la parole du poète ne peut jamais prendre corps, car la parole du poète vient du silence, non de la rumeur. »

« Dans le monde de la rumeur, les événements ne sont plus différents les uns des autres, la rumeur les rend tous semblables; c’est pour cela que les événements prennent aujourd’hui de si grandes dimensions; c’est pour cela qu’ils deviennent si bruyants; on les dirait des cris; un événement semble chercher à se distancier de l’autre par du bruit puisque lui manque l’essence par quoi il peut se distinguer. »

« La rumeur nivelle tout, égalise tout, c’est une machine à niveler. Il n’y a plus d’individus, chacun n’est qu’une partie de la rumeur; l’individu n’y possède plus rien, tout est versé dans la rumeur générale. »

« Dans cette rumeur, on peut tout dire : une chose n’y est-elle pas supprimée par une autre? Tout est supprimé avant que d’avoir été prononcé; on peut y dire les choses les plus bêtes et les plus sensées, elles s’y compensent; seul compte le ton général de la rumeur et peu importe que ce ton vienne du bon sens ou de la bêtise, du mal ou du bien. C’est là l’équipement de l’irresponsabilité. »

« L’homme ne prononce pas la rumeur, c’est elle qui l’entoure de sa parlerie, pénètre en lui, le remplit jusqu’au bord et, ce qui retombe de sa bouche, c’est précisément la rumeur. »

« De même que la parole est broyée dans la rumeur, de même l’action créatrice de l’homme est écrasée dans ce processus. »

« De même que la parole se désagrège en rumeur, de même un phénomène ou un fait se désagrège en explications, en une rumeur d’explications. De même qu’il n’y a plus de parole précise, circonscrite, mais seulement encore cette vague rumeur, de même il n’y a également plus de phénomène ou de fait précis; il n’y a que vagues explications. »

18 novembre 2010

Science et silence

Comment prendre en main un esprit qui vagabonde et le ramener au présent?

Si cette question vous semble vaine et inutile, je vous recommande de lire l'article écrit par Aude Boivin Filion sur le site Branchez-vous.com.* Elle mentionne l’étude de deux psychologues d’Harvard qui ont analysé des données recueillies par 2250 individus sur leur iPhone à propos de leurs états d’âme du moment. Les chercheurs arrivent à la conclusion que les personnes sondées passent près de la moitié de leur temps à rêver à autre chose que ce qu’ils sont en train d’accomplir. Et cela a un prix. Ça générerait de la tristesse. «La capacité de réfléchir à ce qui n'est pas en train de se passer est un acquis cognitif qui a un coût émotionnel. (...) L'esprit qui vagabonde semble être le mode d'opération par défaut du cerveau », affirment les auteurs de l'étude, Matthew A. Killingsworth et Daniel T. Gilbert.

Ils affirment ainsi que la distraction est la cause et non la conséquence de la tristesse : « le niveau de détachement de l'esprit avec le présent et la direction que prennent les pensées prédisent mieux le bonheur que les activités dans lesquelles une personne est engagée ».

Alors, comment ramener notre attention sur cette conscience du présent, et cela peu importe notre activité? Existe-t-il un exercice pour contrecarrer cette tendance par défaut de l’esprit humain à vagabonder à loisir hors du présent et d’engendrer une tristesse inutile, à la limite une dépression ou une névrose?

Je crois que oui. Mais qui parle d’exercice parle de discipline, de répétition et de constance. Là est la difficulté.

Le vagabondage dans notre esprit crée une sorte de bruit néfaste qui agit à l’exemple des radicaux libres dans notre corps. Pour freiner ce bruit, il n’y a qu’une contrepartie : le silence intérieur.

Manger du silence!

Notre premier réflexe sera toujours de dire que c’est impossible. Si nous essayons une première fois, même avec une certaine conviction, nous constatons rapidement que le vagabondage reprend le dessus et que le flot de pensées s’échappe hors de notre contrôle.

Pourtant, à force d’insister et si notre intention demeure ferme, il est possible d’accentuer ce silence pour qu’il prenne corps avec nous. Nous pouvons tenter l’expérience à tout moment, avant de nous endormir, en marchant, dans une salle d’attente, seuls dans une pièce les yeux fermés. Pour déjouer nos pensées, nous pouvons aussi contempler l’image mentale d’un être cher et même prononcer un son à notre guise.

L’étude mentionnée plus haut a été publiée dans la revue Science. Je le signale ici parce qu’elle rejoint une pratique millénaire dont le mérite est de nous ramener au présent en court-circuitant le vagabondage des pensées, source de tristesse.

Ne manque plus qu’une science du silence…

* http://m.branchez-vous.com/html.php?s=techno&id=48164

17 novembre 2010

?

"Je crois au point d'interrogation."

Umberto Eco

15 novembre 2010

Mille et un visages, mille et une démarches.


L’homme porte un béret noir. Il est en compagnie d’une dame, probablement sa conjointe. Ils sont âgés tous les deux, autour de 70 ans environ. L’homme au béret a le regard absent de l’individu accablé de soucis, perdu dans ses pensées et qui marche de façon mécanique. Son visage parle tant qu’aucun mot ne saurait mieux exprimer son état. Pourtant la matinée est magnifique, l’endroit privilégié, un havre de paix à l’écart du tumulte, quelques sentiers à travers des arbres vénérables conduisant jusqu’au bord du cap avec une vue imprenable sur notre grand fleuve. On pourrait s’attendre à de l’émerveillement, des traits ouverts, un sourire, des yeux tendus en douceur sur ce monde.

Je ne juge pas cet homme au béret noir. Je ne fais que constater des dégâts sur un visage meurtri.

Il y a des milliers de visages que nous regardons dans les rues, sur les places publiques. Un face à face entre purs inconnus, un instant fugace.

Ces visages ne cachent rien, ils sont limpides, nus. Au contraire, si vous rencontrez par hasard une connaissance, vous verrez surgir un masque de sa petite poche arrière et vous verrez l’appliquer diligemment sur son visage.

Les visages inconnus en disent souvent plus sur la condition humaine et la difficulté du vivre que toutes les paroles que nous entendons de la bouche de nos proches, que tous les mots que nous lisons dans les journaux et ailleurs.

Même constatation pour ce qui est de la démarche. Est-elle hésitante, lourde, pleine de souplesse, résolue, trainante, fière, assurée? Est-elle raide, sautillante - je pense à celle de mon fiston qui ressemble plus à un ballon de plage qui bondit avec légèreté sur le sol une fois lancée - est-elle féline, noble, gracieuse même?

La physionomie des êtres, pour peu que nous nous y intéressions, révèle autant sinon plus que toutes les paroles qu’ils peuvent émettre. L’observation minutieuse de la démarche, ce corps qui déambule, apporte un ensemble de connaissances sur les personnes que nous voyons et côtoyons.

Plusieurs fois je me suis assis sur un banc public, dans maints endroits du monde, afin d’observer mon semblable, cet inconnu magnifique. Une observation silencieuse, sans jugement aucun, juste pour le plaisir de connaître en faisant fi des mots qui malheureusement camouflent tellement de vérités.

Des visages et des corps d’inconnus en marche qui nous parlent tellement de leur être malgré leur silence.

11 novembre 2010

Le temps précieux

"Le temps est beaucoup plus précieux que l’argent. C’est la demeure sacrée de l’urgence de connaître et d’aimer."

9 novembre 2010

Les bénéfices du doute

Je suis un douteur.

Je m’élève contre les idéologies, les révélations que l’on dit divines, le principe d’autorité et toutes institutions qui prétendent régenter de A à Z notre vie ensemble. J’aime remettre en question, jouer l’avocat du diable, réfuter, mentionner poliment ce « oui, mais » devant les convictions et certitudes admises.

Mais il y a plus.

Car il ne suffit pas de dire non, tout bêtement, en jouant les gérants d’estrade, en se donnant le rôle de censeur camouflé derrière une cause noble de contestation instiguée par des groupes de pression organisés. Il ne s’agit pas non plus de s’agglutiner au chaud en compagnie de centaine et millier d’autres à l’intérieur d’une opposition bardée de bons principes, et qui ne fait que ça, s’opposer, afin d’en retirer des privilèges, d’attirer attention, reconnaissance et sympathie. Je ne parle pas de militer et de jouer dur en faisant l’éloge du dénigrement et de la démolition que je situe plus au niveau du réflexe conditionné, du mécontentement tous azimuts « qui est la seule science dont l’homme a le génie ». (I. Azimov)

Il y a plus. Par exemple, je m’attends constamment à un dialogue serein entre gens de bonne foi. Je m’attends à un questionnement qui ne rejette pas tout d’emblée, là des arguments qui font réfléchir, là des idées pour cheminer ensemble. Je m’attends à toute la gamme de nuances et de couleurs variées qui constituent une certaine compréhension de la réalité, de même qu’à une hésitation naturelle devant le désir de conclusions, de théories et de convictions hâtives.

Je doute et je cherche et je veux un dialogue, car je ne sais rien. Voilà. Mais je demeure en retrait, sachant fort bien que l’envie du pouvoir, cristallisé dans des idéologies à forte teneur en gras et démagogie, a préséance sur mon humble doute.

L’idéologie, c’est ce qui fige une idée, peut-être bonne à l’origine, peut-être vraie à un certain moment donné, j’ose le croire, mais qui nous empêche d’en avoir d’autres, plus fraiches, plus proches d’une vérité toujours à construire, bien vivante, qui n’exclut rien, qui envisage des myriades de possibilités.

« L’idéologie est un pur produit de ratiocination que l’on plaque autoritairement sur la réalité, nous dit Jean-François Revel. C’est aussi le moyen privilégié de tronquer, de falsifier, et, au besoin, de fabriquer de toutes pièces l’information. L’objectif est donc d’échapper à toute critique en trichant subrepticement avec le vrai et en recourant insidieusement au faux. »

Selon ce philosophe, les idéologies atteignent leur pleine efficacité lorsque les croyances inculquées sont intériorisées au point de devenir de véritables réflexes mentaux. Une sorte de dévotion s’installe. Une idée n’est plus jugée vrai ou fausse, ni un fait exact ou inexact, mais seulement conforme ou non à un système de valeurs et d’interprétation du réel.

Donc, je doute. Mais je crois aussi dans l’ouverture, dans la recherche incessante de nouvelles découvertes ainsi que la mise en commun d’expériences dans le but d’aiguiser notre sens critique par le dialogue.

Proposer et non pas imposer. C’est une position inconfortable, car elle implique de demeurer debout, en marche constante et non pas sur l’assise tout confort du pouvoir.

Je crois dans les bénéfices du doute. Et l’acceptation de l’invraisemblable…

4 novembre 2010

Coupable!

Il n’y a rien à comprendre du péché. Il n’y a rien à comprendre de la faute et de l’erreur. C’est comme si nous déclarions haut et fort l’inexpérience dans l’apprentissage inutile et la sagesse naissante à l’abri de tout désordre, issue d’une virginité angélique, sans faille, sans travail, issue du rien.

La seule faute impardonnable demeurera toujours la culpabilité, ce sentiment malfaisant qu’on nous observe et nous juge pour nos efforts, même dérisoires.

2 novembre 2010

L'humain amélioré.


L’excellent dossier que propose le journal Le Devoir du 30 oct. 2010 intitulé: "De l'humain au Robot sapiens" nous parle d’une évidence qui ne cesse de nous tourmenter : ce que nous sommes, en tant qu’être humain, ne nous satisfait pas.

Nous voulons plus.

Un article nous parle du fantasme de l’humain amélioré. Jusqu’à un certain point, nous avons fort bien réussi grâce à de multiples inventions et au formidable apport technologique. Il y a assurément une amélioration de notre sort depuis l’apparition de l’automobile, de l’avion, de l’informatique, de la médecine moderne avec la chirurgie de remplacement, des prothèses et toute autre extension de nos sens.

Mais il y a autre chose.

Nous sommes incapables d’accepter nos limites. Et voilà donc que nous cherchons à ne plus vieillir et ne plus mourir. Nous cherchons un contrôle total de nos sens et de notre cerveau.

La science moderne et son idéologie matérialiste a réduit l’être humain à un état de mécanique hyper sophistiqué. Il est normal alors, à l’exemple des technologies que nous inventons et dont il est difficile de ne pas s’emballer, d’exprimer le vœu de nous améliorer au même niveau. « Nos machines sont d’une vivacité dérangeante quand nous sommes d’une inertie effrayante. »

Nous sommes des dinosaures lourdauds si nous nous comparons à nos propres inventions. C’est ce que j’en retire d’un des articles au dossier. Il y a aussi la grande séduction de l’ailleurs qui « sur Internet, au téléphone, sur Street View, semble toujours plus intéressant que ce qu’on a, le moment présent moins intéressant que le moment futur. »

Je comprends cette aspiration, l’attrait quasi irrésistible de la technologie, le désir de nous transcender et je souhaite même l’entretenir. Je me questionne toutefois : est-ce que nous cherchons dans la bonne direction?

Il y a un réel plaisir à côtoyer les nouvelles technologies, je le conçois fort bien. Je ne reviendrais sûrement pas à la conduite de ma Volks Beetle dans les années 70 ni à la télévision en noir et blanc de mes parents.

Mais l’humain n’est-il que mécanique améliorable?

Je ne peux concevoir que ça.

L’exploration et la recherche je la souhaite plutôt en direction de la conscience et des mystères de l’esprit humain. Je ne parle pas nécessairement de religion et de spiritualité, car là encore il y a une grande séduction de l’ailleurs : deux mille ans passés nous aurions trouvé la vérité, dans l’orient lointain nous pouvons découvrir la sagesse, etc. Mais qu’on s’en serve comme référence, je n’ai rien contre. Il n’est nul besoin de liquider le passé et les expériences et témoignages d’êtres exceptionnels devraient toujours nous servir de balises.

Je souhaite seulement l’exploration sérieuse, au présent, de cette part inconnue de notre être, celle qui fait tant de difficulté, car mystérieuse, insaisissable, occulte. Je le souhaite ardemment, puisqu’il semble que nous sommes toujours insatisfaits de notre condition d’être humain…

Je souhaite même que cette exploration ait recourt à « l’attitude scientifique » avec des hypothèses nouvelles, des réfutations possibles et surtout un dialogue raisonnable entre chercheurs sincères et honnêtes qui s’entraident malgré des difficultés à première vue insurmontables.

1 novembre 2010

Tous libres ou non?

Pourquoi tant de gens qui se disent intellectuels, artistes, ouverts d’esprit et esprits libres, maudissent la censure(avec raison) dans tout ce qui touche le cinéma, la propagation d’idées(de gauche, il va sans dire) et l’expression artistique en général, pourquoi ces mêmes personnes affectionnent-ils autant l’interventionnisme de l’État quand vient le temps de parler politique, entrepreneuriat, économie et la vie des individus en société?

29 octobre 2010

Dieu


Dieu.

Le mot est lancé, dans une conversation, dans un débat à la télévision, dans une discussion entre spécialistes.

Chaque fois je vois des sourcils se froncer, des bras se croiser et des cous qui s’enfoncent sur des épaules voûtées.

Dieu. Je lâche le mot et j’entends tout à coup le cliquetis métallique des fusils qui se chargent. Je ressens une barre rigide qui s’enfonce au creux des idées, des mots et des images. Je vois des militaires au garde-à-vous, des hommes puissants drapés d’autorité et de certitudes absolues se pavanant devant des foules ahuries.

C’est Dieu ça?

Un bébé, là. Je le prends dans mes bras et le regarde, fasciné. Je le regarde tout comme on contemple durant des heures la flamme d’un foyer, sans se lasser.Chaque fois mes sourcils s’élèvent devant le bonheur d’une réalité si simple. Je m’ouvre et me dilate, tout mon corps se décontracte et j’aurais envie de danser et chanter. Puis des larmes se glissent, car je comprends subitement la beauté, la grandeur, l’immensité d’un prodige sans qu’aucun mot ne vienne troubler l’atmosphère.

Mais Dieu!

J’ai une défaillance et mon cœur s’emballe. J’ai les yeux horrifiés devant la haine et la laideur. Je vois l’interprétation des hommes se profiler et je vois ces mêmes hommes s’illusionner devant l’inconnaissable. Qu’à cela ne tienne, le plus fort gagnera au jeu de la croyance, au jeu de la distinction!

Tout comme le politicien qui promet mers et mondes en ayant le mot « peuple » à la bouche dans chacune de ses phrases, la personne qui ose se prononcer sur la vie en prenant Dieu pour témoin ne mérite aucune attention. Ce que j’entends de sa part, c’est plutôt ceci : « J’ai des fréquentations particulières avec un être supérieur, MOI. Je négocie chaque jour avec le divin et connais son plan, car je me nourris de lectures pieuses et me recueille en des endroits réservés à l’élite spirituelle. » Infantilisme, orgueil insensé et diablerie méprisable.

Le désir de reconnaissance est tellement peu subtil qu’on s’étonnera toujours de son influence sur les consciences.

22 octobre 2010

Mario Vargas Llosa et le courage de la liberté


Le prix Nobel de littérature 2010 gagné par Mario Vargas Llosa récemment ne me laisse pas indifférent. Vargas Llosa représente à mes yeux ces rares intellectuels qui osent prendre parti pour l’individu et son combat pour la liberté en opposition aux forces collectives qui cherchent au contraire à le contraindre et l’embrigader de toutes les manières possibles.

L’histoire du 20e siècle est très représentative du fléau des idéologies de gauche et de droite qui sont nées dans le but inavoué de bafouer la liberté et la dignité de ce qui seul demeure réel, l’individu dans toute sa diversité, sa complexité, avec ses qualités et ses défauts, cet être imparfait en opposition avec la prétention maladive de pureté exigée par tous les apôtres fanatiques des solutions définitives, miraculeuses et uniques.

Dans un de ses livres : Les cahiers de Don Rigoberto, il dit ceci par l’intermédiaire de son personnage : «... tout mouvement qui prétendrait transcender (ou reléguer au second plan) le combat pour la souveraineté individuelle, en faisant passer d'abord les intérêts de l'élément collectif - classe, race, genre, nation, sexe, ethnie, Église, vice ou profession -, ressortirait à mes yeux à une conjuration pour brider encore davantage la liberté humaine déjà bien maltraitée.»

Il y a toujours une bataille en jeu. Cette bataille en est une pour la liberté. Nous ne sommes pas des bêtes dociles, consentantes. Nous n’avons pas à être soumis et obéissants. Le combat est féroce et même s’il doit se faire en toute humilité il doit viser à nous rendre plus forts, plus sages, plus avisés. Tranquillité d’esprit, compréhension, épanouissement ne dépendent que de nous.

Les tirs viennent de partout et il faut résister aux balles en provenance de la gauche et de la droite. Et le paradoxe est que nous ne devons rien attendre de cette bataille.

Nous devons tout de même la jouer, car notre sort en dépend.

Seul importe le courage, cette vertu individuelle à développer.

21 octobre 2010

La vérité ne se trouve pas au fond des poches

« La vérité est absolue et objective; seulement, nous l’avons pas au fond des poches. C’est quelque chose que nous cherchons sans cesse et que, souvent, nous trouvons difficilement; mais nous essayons constamment d’améliorer notre proximité à la vérité. Si la vérité n’était pas absolue et objective, nous ne pourrions pas nous tromper. Ou alors, nos erreurs seraient aussi valables que notre vérité. »

Karl Popper, Toute vie est résolution de problèmes, Actes Sud, p 157