26 février 2010

Lettre ouverte...

En fouillant dans mes vieux livres, j’ai retrouvé avec bonheur celui-ci de Louis Pauwels : Lettre ouverte aux gens heureux (et qui ont bien raison de l’être…). Pauwels, comme plusieurs le savent, est l’auteur du livre Le matin des magiciens ainsi que le fondateur de la revue Planète dans les années soixante. Je pense que son travail a aidé beaucoup des jeunes à briser le carcan des « idées reçues » et à s’ouvrir à ce qu’il appelait alors le « réalisme fantastique ».

Souvent je n’y comprenais pas grand-chose, j’étais adolescent alors, mais j’adorais le ton, le mystère. C’était dans l’air du temps, tout comme l’émission radio de Jacques Languirand, Par quatre chemins, la revue Mainmise, etc.

Pour en revenir à Lettre ouverte… de Pauwels, j’avais noté ces mots que je trouve toujours pertinents :

« Il vous arrive comme à moi de rencontrer des passionnés du nihilisme, remplis du plus noir désespoir… J’ai un conseil à vous donner. Je l’ai reçu de Chesterton. Devant ce révolté essentiel, ce pessimiste radical, dites : “Je vous ai compris.” Et tirez votre revolver. »

« Montrez-vous, pour lui rendre service, résolu à l’abattre. Comme je suis pour la protection de la nature, y compris la nature des imbéciles, j’espère que ce grand négativisme vous suppliera de ne rien faire. Restez d’un bloc. Armez le canon. Exigez qu’il s’agenouille. Qu’il remercie le bois du plancher, la laine de la moquette, d’être là. Qu’il remercie la vitre de la fenêtre d’être là. Et le feuillage gris des arbres de la rue, d’être là. Et la rigole du ciel, entre les toits, d’être là. Qu’il remercie ce monde précaire et imparfait d’être là. »

« Alors, rangez le revolver (qui n’était pas chargé). Aidez-le à se relever. Et soyez content de vous. Vous aurez abaissé un idéologue. Vous aurez redressé un homme. »

25 février 2010

La bibliothèque infinie

Je devais me rendre à la bibliothèque universitaire où j’avais étudié il y a plusieurs années. J’avais sélectionné sur son site web quelques livres pour poursuivre une recherche sur l’imaginaire. Bachelard, Jung, Gilbert Durand attendaient donc mon rendez-vous.

Sur place, je reconnus sans difficulté l’endroit que j’avais arpenté si souvent en début de vingtaine. Seuls l’accueil et toute la panoplie d’ordinateurs installés pour la recherche de documents témoignaient du bond quantique dans la modernité et apposaient un visage nouveau à l’ensemble.

Je tournai à gauche en direction des ascenseurs. En entrant dans l’une, je pesai sur le bouton 5e et attendis, seul, la montée vers le dernier étage de l’édifice, là où se trouvaient mes documents. Après quelques minutes, je m’aperçus alors que quelque chose n’allait pas. Le bouton lumineux du 5e était allumé et pourtant l’ascenseur continuait à monter de plus belle. L’inquiétude me gagna, suivit bientôt par la peur.

L’ascenseur s’arrêta finalement et la porte s’ouvrit. Avec appréhension, je fis quelques pas en avant. Il faisait sombre. Des débris jonchaient le sol où que je regardais. En retrait, à ma gauche, un mur de brique tenait encore debout avec peine, un trou béant en son milieu. Je le franchis avec précaution. Je dirigeai le regard vers mon point d’arrivée et vis que l’ascenseur était disparu.

Le silence régnait dans cette désolation. Je pensai alors que j’étais perdu. C’est à ce moment que j’entendis des voix accompagnées de rires quelques mètres plus loin. Je m’approchai lentement et vis alors deux hommes souriants qui devisaient ensemble. En m’apercevant, ils se dirigèrent tout de suite vers moi pour m’accueillir joyeusement, comme pour me rassurer. Le premier qui me serra la main était petit et trapu avec de larges épaules. Son visage rond et expressif rayonnait avec d’extraordinaires yeux bleus. Le deuxième, plus grand et filiforme, me regarda à travers ses lunettes déposées sur un nez long et mince. Une douce énergie émanait de lui et je remarquai que ses oreilles étaient dépourvues de lobes et venaient s’attacher en un triangle de peau à ses joues.

Il me sembla les connaître depuis toujours…

Puis sans tarder, ils me signifièrent de les suivre. Nous prîmes un long corridor et aboutirent bientôt devant une large porte en bois travaillé de motifs complexes. Le plus grand des deux hommes m’invita à entrer.

À l’intérieur, l’immensité. Je me tenais subitement dans une bibliothèque gigantesque, sans fin apparente. Un rayonnage de dix mètres de hauteur garni de livres s’étirant à ma gauche et à ma droite. Illimité. Une cathédrale, une bibliothèque infinie dédiée aux expériences et à la sagesse des hommes. Un de mes hôtes m’expliqua alors qu’à ma gauche se trouvaient tous les livres déjà écrits et qu’à ma droite il y avait tous ceux à venir.

J’étais émerveillé. Je me dirigeai vers la droite (comme de raison) et laissai mes doigts se balader doucement dans le rayonnage. Puis, au hasard, je retirai un livre de sa niche et demandai si je pouvais l’apporter chez moi. La réponse fut immédiate. Et positive.

Je sais que vous brûlez de connaître le contenu de cette œuvre du futur. Je la garde près de moi sur ma table de chevet et tous les soirs avant de m’endormir je lis quelques passages en me souvenant de ces hôtes magnifiques qui ont bien daigné m’ouvrir la porte de leur univers. « Tu es invité quand tu veux, m’ont-ils dit. »

Et je ne me prive pas d’y retourner…

Le titre du livre dérobé au temps : « Le chant des herbes folles ». Éditions Point-Virgule, 2027, 333 p.

C’est le récit de la vie d’un artiste avant qu’il ne meure en 2025.

Si vous saviez ce qu’il contient !

24 février 2010

"Silence"


Franchement recommandable le dernier disque de Fred Pellerin tout en chansons. On le sait fou génial pour ses contes, mais là il nous touche d’aplomb avec sa voix pleine d’émotions.

Le titre ? : « Silence ».

Je l’aime bien ce titre...

Fred Pellerin a composé quelques-unes des chansons qui nous sont proposées. Il y en a toutefois deux de l’auteur David Portelance que je trouve magnifique. Elles s’intitulent « Au commencement du monde » et « Tenir debout ».

« C’est dans le brouillard qu’une rencontre est belle — c’est dans le silence qu’une réponse est belle », nous dit-il.

Je laisse les mots de fin à l’artiste Fred Pellerin qui dédie son opus :

« À toi,

M’amoure.

Des bruits qui fleurissent

Avec le souhait d’y aller encore

Et toujours,

Et ensemble,

À se construire une plate-bande

De rêvures colorées.

Je t’aime. »

23 février 2010

Routine

"La routine est une petite route, une petite route intime sur laquelle la vitesse ne sert à rien. La vitesse ne sert à rien quand l'infini se trouve en soi."

Christian Bobin

Les chemins perdus


Le chemin que nous parcourons n’en sera toujours qu’un parmi des millions possibles. Chaque jour, chaque minute, chaque seconde initie un trajet d’inclinaisons multiples. L’arbre des arbres se dessine, projetant sa ramure vers ses sœurs les étoiles et des racines l’obligent à s’ancrer dans la terre à la même cadence.

Un homme, un chemin, un destin…

Mais qu’eût été ma vie si mes yeux avaient lorgné à gauche plutôt qu’à droite? Si mes pas s’étaient arrêtés subitement, sans raison? Que serait cette vie si l’éclosion d’un appel n’avait pu naître?

Je suis curieux du tout vivant barbouillant la face des amours. Je grimpe aux arbres-frères pour goûter leur sève unique. Je m’enrobe de feuillage et m’attendris des horizons perçus.

Dans la peau de l’autre, il est permis d’entrevoir tous ces chemins de traverse que jamais nous ne foulerons nous-mêmes. Il est permis de savourer le doux et l’amer des fruits que le sort nous aura épargné. Encore faut-il qu’il ait marché celui que nous attendons au coin des rues.

Mais où se tient mon semblable unique? Où se cache l’inoubliable chercheur d’or et des biens enfouis sous la gangue des illusions? Quels chemins parcourt-il? Ose-t-il encore se perdre pour que nous nous retrouvions au bout d’une aventure qui recommence à jamais?

Toujours, j’attendrai pourtant les voies du vent avec sérénité.

** Illustration: Mathieu Plante -- (www.mathieupdesign.com)

22 février 2010

La souffrance du trop

"De la simplicité, de la simplicité, de la simplicité.

Oui, que nos affaires soient comme deux ou trois,

et non cent ou mille."

Henry David Thoreau


Tout gavés que nous sommes nous n'en demeurons pas moins malheureux, inconfortables et pétris d’angoisse.

J’exagère, je généralise? Je ne sais pas. Mais j’ai l’intuition d’un passage à une fragilité inversement proportionnelle à notre niveau d’abondance ou d’envie d’abondance.

Un documentaire récent « Gagner des millions… Sauf que…? » nous parle d’embûches et de solitude chez les gagnants de la loto. Je pense ici à toutes les familles Lavigueur de ce monde. Des gagnants qui se font harceler, car leur entourage trouve qu’ils n’en donnent pas assez. Des gagnants qui dépensent sans compter et qui se retrouvent bientôt dans la dèche. Combien d’émissions télé ne viennent-t-ils pas nourrir aussi l’impression de cette « misère des riches »? Combien de gens de notre entourage qui, malgré une aisance matérielle, une sécurité d’emploi, une bonne santé, bref une abondance reconnue, sombrent malgré tout dans des dépressions à répétition et de tragiques douleurs?

Nous n’en sommes plus à reconnaître l’abondance autour de nous. Nous pouvons même aller jusqu’à parler d’abondance dans le superflu. Une étude publiée il y a quelques années mentionnait que dans nos sociétés nord-occidentales il y avait à notre disposition environ trois millions d’objets de consommation possibles par personne. On ne parle certes pas de pénurie…

Christian Lamontagne sur le site passeportsanté.net réfléchit à ce problème avec acuité : « Une vie un peu plus simple, un peu moins encombrée, ne serait-elle pas un remède salutaire à plusieurs de nos maux? La question est légitime : quand on souffre de maladies d'abondance, la modération semble être une solution rationnelle. Quand on se plaint d'être stressé et de ne pas avoir de temps, il est possible de ralentir le rythme et d'en faire moins plutôt que d'avaler une canette de Slow Cow®. »

Ralentir le rythme, moins consommer, une utopie dans notre monde? Encore faut-il savoir pourquoi. Surtout face à l’exhortation des gouvernements qui encouragent constamment le contraire pour relancer une économie qui périclite.

Le détachement et la simplicité n’ont de sens que s'ils sont comblées par une abondance de l’être. Cette abondance de l’être n’a de sens que si elle est accompagnée par un réel contentement. Et ce contentement n’a de sens que s’il nous procure un bonheur réel et soutenu.

Aussi bien dire que nous sommes condamnés à trouver un sens à notre existence.

19 février 2010

L'illusion de la sécurité

"La sécurité est en grande partie une superstition. Elle n'existe pas dans la nature et les enfants des hommes ne l'expérimentent pas comme une plénitude. Éviter le danger n'est pas plus sûr à long terme que de s'y exposer totalement. La vie est une aventure à tenter sinon elle n'est rien."

Helen Keller (femme de grand courage qui était aveugle, sourde et muette)

La grande tâche

"Une des tâches les plus difficiles donnée à l'homme est de renoncer à lui-même, au désir de se mettre en avant, à vouloir que le monde corresponde à l'idée qu'il s'en fait."

Karlfried Graf Dürckheim

17 février 2010

Quoi ? C'est le 17 février ?


Condamné par l’inquisition pour hérésie, Giordano Bruno fut brulé vif à Rome le 17 février de l’an 1600. Son crime? Il a été le premier à dire exactement cela : « Un nombre infini de soleils existent; un nombre infini de terres tournent autour de ces soleils comme les sept planètes tournent autour de notre soleil. Des esprits vivants habitent ces mondes. » Jacques Attali, in www.litt-and-co.org.

Le plus intéressant demeure toutefois son intuition de la réincarnation dont il déduit de ses recherches. « Nous-mêmes, avec ce qui nous appartient, nous allons et venons, passons et retournons. Il n'est rien de nôtre qui ne nous devienne étranger, rien d'étranger qui ne devienne nôtre. » Tout naturellement lui vient alors l'idée d'allers et retours multiples entre la vie et la matière, de réincarnation, qu'il développe la même année - 1584, il a trente-six ans - dans L'Expulsion de la bête triomphante. L'âme de chaque homme est Dieu lui-même, qui passe de corps en corps, de destin en destin, et qui donne un sens au salut. Certains êtres progressent d'âme en âme, devenant des héros ou des artistes, jusqu'à rejoindre l'esprit divin : « Toutes les âmes font partie de l'âme de l'Univers, et tous les êtres à la fin sont un. » « Chaque acte apporte sa récompense ou sa punition dans une autre vie. Le passage dans un autre corps dépend de la façon dont il s'est conduit dans l'un (...). Le but de la philosophie est la découverte de cette unité. » Attali

On comprend sa déconfiture. Encore aujourd’hui, on stigmatise et tue pour moins que cela.

Le 17 février est aussi l’anniversaire de Paris Hilton. Connais pas… (Soupir). De même que celle de Loreena McKennitt. Cette grande dame de la chanson mérite toute mon admiration depuis que je l’ai entendu pour la première fois, il y a au moins vingt ans de cela.

Ah oui, j’oubliais. Le 17 février, je change d’âge.

15 février 2010

Être deux

"Être deux est idéal. Et immémorial: l'amour entre un homme et une femme existe depuis le degré zéro de l'humanité. Cinquante mille ans d'amour, ce n'est pas rien. C'est un très grand risque, l'amour, peut-être même la chose la plus risqués qui soit. Nous ne savons pas pourquoi cela vit, pourquoi cela meurt. Être deux n'est pas donné, être deux n'est pas un droit. Il suffira de savoir qu'il existe un seul amour heureux pour que nous le recherchions pour nous mêmes. Certains le trouvent, d'autres pas; il se défile, il nous déçoit, nous espérons ou nous abandonnons. Mais l'amour reste la grande affaire de toutes les vies. Il est la source des plus grandes blessures du coeur. Il est la source de ce que nous appelons la réussite de son bonheur."

Serge Bouchard, L'homme descend de l'ourse, Boréal, p 104.

14 février 2010

Quoi ? C'est le 14 février ? *


« Même seule, il y a toi.

Aux creux de mes rêves les plus profonds,

Il y a toi.

Tu as su si bien faire que je ne vois

Que l’instant de ta présence en moi.


Et si loin que tu sois,

Si absente à mon souffle

Comme à l’œil qui te voit,

Si absente et si loin

Que nul chemin ne pourrait nous rejoindre,

Si loin, si absente,

Tu seras pourtant là.

Toujours.

En moi. »


* Pour ma mini-fée

12 février 2010

Funambule


Du coin de l’œil, je sens que quelque chose bouge bizarrement. Par la fenêtre de mon bureau au deuxième étage, je vois le fil électrique se dandiner sans raison apparente. Puis apparaît un écureuil, suivi d’un autre. Ils déambulent sur leur autoroute qui sillonne les grands arbres tout près de ma résidence. La température est douce en cette journée de février et j’imagine qu’ils se dégourdissent les pattes avant les premiers signes du printemps.

Je sais qu’ils utilisent ce circuit en hauteur parce que sur terre les chats du voisin les prennent constamment en grippe. Chacun son territoire, et on s’adapte de son mieux…

J’admire ces funambules. Ils me donnent des idées en me poussant à prendre des parcours en hauteur d’un lieu à l’autre. Ils m’incitent à garder un équilibre précaire sur d’étroits chemins.

Je sens la vie belle à travers les arbres. Je sens cette griserie de franchir des trajets périlleux.

Je pense alors que je suis un écureuil volant. Là, ce serait le bonheur total!

11 février 2010

La lumière de la discrétion

Nous avons tellement à nous dire. Ce qui ne cesse de m'étonner, car dans ce flot de paroles il y a toujours cette tendance à vouloir tout expliquer, à vouloir justifier sa vie. Comme s'il n'était pas suffisant de simplement la vivre.

Je me souviens de ces mots, lus je ne sais où: "C'est comme dire aux gens qu'on les aime. C'est inutile. Il vaut mieux ne rien dire et le faire." Je n'hésite d'ailleurs jamais à me méfier de ces hérauts et ces chantres qui annoncent l'amour ou l'espoir d'un peuple. Je suis porté à croire qu'ils ne cherchent qu'à réaliser leurs rêves en se servant de la crédulité de leurs semblables.

Je veux plutôt faire l'éloge d'une discrétion assumée et promouvoir ceux et celles qui ne crient pas mais donnent l'exemple.

"Ce que tu es parle tellement fort que je n'entends pas ce que tu dis".

Je laisse le mot de la fin à David Le Breton : "S'il était possible de tout dire de soi, ou de tout savoir de l'autre, toute individualité serait anéantie. La disparition du secret est simultanément celle du mystère. L'ombre est nécessaire à la lumière." Du silence, p 118

10 février 2010

Il n'y a pas pire sourd...


"Un jour arriva dans un village un violoniste merveilleux. Installé sur la place, il commença à jouer de son instrument. Les villageois accourraient pour l'entendre et, les uns après les autres, ils se mettaient à danser. Au bout d'une demi-heure le village entier était en danse. Survint un sourd. Il vit le spectacle et, comme il ne percevait pas la musique, il dit:"Ces gens sont fous."

Jung aimait raconté cette histoire du répertoire des Juifs hassidiques. Il disait qu'elle exprimait le mal que l'on éprouve à traduire en langage conceptuel la vie profonde de l'âme, car celle-ci "est poème, chant et danse".

9 février 2010

L'art blanc






Dans la folie du Carnaval de Québec...

Paradis

"Si Dieu existe, est-ce qu'il y a un paradis ? Et s'il y a un paradis, y a-t-il un parking ? "

Woody Allen