31 mai 2010

Sagesse amérindienne


Quelques pensées tirées du livre de Jean-Paul Bourre, Préceptes de vie issus de la sagesse amérindienne. Points/Sagesse.

« Ne cède pas aux violences de l’imagination, qui font naître l’envie, le mépris, la colère. Sois en paix avec toi-même, et les autres s’accorderont à toi comme les notes d’une même musique. »

« Nous ne cesserons jamais d’explorer l’univers, au-dedans de nous et à l’extérieur. La fin de toutes nos explorations consistera à regagner notre point de départ et à le découvrir pour la première fois. »

« L’important est d’être conscient de nous-mêmes, de nos rapports avec les choses, les personnes, les idées. De ne pas être dupe du jeu, et d’approfondir nos relations et notre perception du monde. Derrière, seulement, commence le réel. »

« Celui qui rêve ne dort pas. Il voyage. »

« Ne respecte pas les individus pour leurs bavardages, leur agitation stérile, mais pour leur qualité d’être, pour la petite musique qu’ils ont gardée au fond d’eux-mêmes. Cette étincelle d’or est un vestige de l’ancien pouvoir. Elle se met à briller dans certaines circonstances, malgré eux. »

Le chant de la serpillière

Poussière, samares et disamares s’amoncellent méthodiquement sur la galerie et le devant de la maison.

Ce matin, j’ai donc sorti le balai et j’ai entrepris une petite danse impromptue, un pas de deux de l’astiquage au son du froufrou des arbres qui se balancent dans le vent et des oiseaux qui ne manquent pas de commenter la question.

Ce simple labeur me rend heureux. Je fredonne alors des airs inventés ou siffle une mélodie qui me vient à l’esprit sans tenir compte de rien, ni du temps, ni de l’entourage. Ni surtout de la valeur du geste.

Je passe le balai et je me sens tout simplement libre et heureux. Je n’ai rien à prouver, je n’ai aucun monde à changer. Je n’ai pas ce poids faramineux sur les épaules qui exige de sauver la planète comme on le décline si souvent.

Je balaie consciencieusement. Point. Et j’aime penser que ce n’est pas juste un jeu, un mouvement mécanique obligatoire. Je crois plutôt à une création contre le temps. Imaginez si je laissais aller les choses et que vous pouviez voir en accéléré la lente dégradation de ce petit environnement qui est le mien. Imaginez ensuite si le désespoir venait gangrener le cœur de tous les hommes en même temps, tuant par le fait même la créativité et l’envie du meilleur, l’amour de l’équilibre et de l’harmonie.

Je pense et j'écris comme je passe le balai. En luttant contre le temps. Je persiste et signe : il n’y a de sens à cette vie que si nous sommes des créateurs. Il n’y a de sens à cette vie que si nous apportons un peu de notre précieuse énergie, à notre manière, à notre entourage. Cette musique, à elle seule, transcende toutes nos différences.

27 mai 2010

La traversée des mille jours


Te souviens-tu lorsque j’errais à travers la grande plaine, animal sauvage et solitaire? Te souviens-tu, car je t’ai souri et tout mon visage te disait aussi : « Viens à ma rencontre. »

Tu as écouté, comme toujours; puis nous avons marché en nous joignant au chant qui s’élève de la terre lorsque nous caressons sa chevelure. Nous avons marché sans but, juste comme cela, par plaisir, côte à côte, d’un même pas. Et j’ai compris soudain que ce rythme était le mien depuis le tout début, mais que je l’avais perdu.

Nous avons marché, le silence se joignant au vent, le vent soulevant nos pas.

Nous avons marché tout le jour, puis la nuit tomba. Tu m’as regardé; tes yeux dévoilaient étoiles, lunes et planètes et tout l’arbre des profondeurs cachées, plus loin que la nuit, plus loin que le commencement de tout. Tu m’as regardé plein d’amour et tu as dit : « Ne crains pas la nuit, marche, marche! Ne crains pas la nuit, marche! »

Nous avons continué, libres, le pas léger, glissant dans le noir opaque, sans peur, invincibles…

Te souviens-tu aussi, te souviens-tu de cette société d’hommes près d’une ville sans nom : les uns pleuraient, les autres gémissaient plein de mélancolie dans le cœur? Tu as perçu le malaise dans mes yeux et tu as su lire comme toujours mon désarroi. Comme toujours tu as compris. Tu m’as alors dit : « Sur des cendres, plus jamais ne pleure. Va vers le feu! Va vers le feu et dépose ton bois, alimente la flamme, nourris la flamme de ta vie, et chante! »

Voilà tes dernières paroles, car tu es parti avec le sourire. Mais tu m’as exhorté à continuer à chanter, à marcher.

Et depuis lors je chante, je marche, je chante et je marche.

Je marche.

26 mai 2010

Le livre des chemins


Je ne saurais trop vous recommander le dernier livre d’Henri Gougaud : Le livre des chemins, contes de bon conseil pour questions secrètes. De petits bijoux d’histoires pour s’émerveiller, mais aussi nous aider à cheminer à travers les broussailles de l’existence.

D'entrée de jeu, Gougaud nous avertit : « Il est dit qu’un bon conteur doit être capable de répondre à n’importe quelle question par un conte. Je parle, bien sûr, de vraies questions, de celles qui s’obstinent, qui pèsent, et pour lesquelles on espère des réponses pareilles à des fenêtres ouvertes sur un air respirable, sur une lumière nouvelle. »

Chacun des contes est suivi d’aphorismes ou de citations d’auteurs qui viennent enrichir d’autant notre lecture.

Au hasard, je choisis : « La peur n’a qu’une peur, c’est que tu l’abandonnes. »

Errer

Les gens n'aiment pas penser ; c'est qu'ils ont peur de se tromper. Penser, c'est aller d'erreur en erreur. Rien n'est tout à fait vrai.

Alain (Propos sur l'éducation, p.76, P.U.F 1969)

21 mai 2010

Un pèlerinage au composteur


Après bien des années de bons et loyaux services, nous venons de mettre au rancart notre vieux composteur. Vous savez, celui qui a la forme du casque de Darth Vader dans Star Wars? En plastique brun.

Le nouveau a fière allure aussi : un cube fait de panneaux de bois que nous assemblons nous-mêmes. Il trône au bout du terrain et attend consciencieusement que nous le remplissions pour exécuter sa tâche magique de grand transformateur de résidus et autres épluchures.

Le composteur symbolise gros à mes yeux. En lieu et place d’un long pèlerinage à Compostelle afin de mettre de l’ordre dans sa vie et ses pensées, j’ai déjà songé que nous pouvions prendre prétexte du remplissage dudit composteur pour élaborer une démarche personnelle de nettoyage intérieur. Je pensais alors à une sorte de vidange de tous nos problèmes et anxiétés qui pourraient ensuite servir à engraisser des jours meilleurs.

Nous le savons, nos activités ainsi que notre propre corps produisent des déchets que nous cherchons ensuite à disposer. Rien de plus normal et naturel. Mais qu’en est-il de nos pensées, de nos peurs, de nos attentes, de notre folle imagination? Ne produisent-ils pas aussi quelques déchets dont il faudrait se débarrasser pour ne pas être intoxiqué? Et puis, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme! » Alors?

Alors, recyclons.

Facile d’imaginer un composteur à l’intérieur de soi. Facile de le remplir de ce que nous estimons trop lourd et encombrant à supporter. Au lieu de déverser son fiel sur son entourage ou encore de le ruminer ad nauseam, utilisons l’énergie, transformons-la puis engraissons notre jardin.

Le fiel deviendra miel. Colère deviendra rire.

20 mai 2010

Les petits détails


Soyons clairs. J’aime la grandeur des petites choses, ces détails minimes qui rendent comptent de toute la complexité et de la beauté de la vie.

Par exemple, il y a plusieurs années, aux prises avec un cil coincé sous la paupière qui gâchait ma vie de voyeur, j’ai fait une découverte déconcertante. En travaillant à extirper ce foutu cil, j’ai remarqué un petit trou à l’intérieur de la paupière inférieure près de la commissure qui la relie à la paupière supérieure. J’en oubliai le cil perdu pour regarder ce minuscule orifice. Je fouillai dans l’autre œil. Pareil. Mon corps, mon propre corps avait produit ces deux menus et je venais de le découvrir. Comme si une fée couturière avait piqué les deux endroits avec une aiguille magique, en or comme de raison, pour que le flot des larmes s’écoule naturellement en temps venu.

On m’avait caché cela…

Une autre fois, près du rivage du fleuve Saint-Laurent, j’ai aperçu des canards pilets, le mâle et la femelle qui se promenaient avec leurs petits. J’ai surtout remarqué le blanc sur le cou du mâle.

Le blanc du cou du canard pilet ce n’est pas comme le blanc du poulet lorsqu’il est cuit. Il n’y a rien de remarquable dans le blanc du poulet. Mais le blanc du cou du pilet lui, ça vaut la peine d’être mentionné même s’il n’est pas cuit, se prolonge par une ligne blanche, comme dessinée au pinceau sur chacun de ses côtés en remontant vers la tête. On a l’impression qu’un peintre est passé par là et que poussé par une inspiration soudaine il a laissé sa marque et taillé une brèche dans la banalité du monde.

Le cou du canard pilet est une œuvre d’art, gracieuseté de cette inqualifiable nature qui nous entoure.

19 mai 2010

Exercice


Fermez les yeux et décrivez-moi le portrait que vous dessinez de vous-même. Quel visage voyez-vous? Vos yeux sont-ils ternes ou pétillants? Vous souriez ou vous exprimez la colère? Ce visage affiche-t-il le désespoir d’une vie d’absurdité et de futilité ou bien il rayonne d’un bonheur sincère? Ne cachez rien et soyez honnête avec vous-même.

Maintenant, dites-vous que si vous mouriez à l’instant cette image façonnée de vous-même serait celle qui établit l’essence profonde de ce que vous êtes réellement à la suite de votre vie ici-bas.

18 mai 2010

Le kit de l'effort


Le plus difficile est de partir. Mais avant, de penser partir, puis d’enfiler son kit. L’effort nécessaire, comme je me dis chaque fois.

Ce matin c’est tout de même le bonheur, car le soleil est là, pas trop chaud, le vent tranquille. Le coup de partir, tout de même… De faire fi de l’inertie, de la facilité, de s’asseoir sur son steak.

Les tilleuls en fleurs embaument le début de mon trajet. J’exulte déjà. Leur parfum subtil me monte à la tête. Près de la rivière, je suis ensuite accueilli par une flambée de pommetiers décoratifs. La lumière les enrobe d’un ton rosé qui explose à mon regard.

Puis je commence à trotter après dix minutes de réchauffement. Pas trop quand même, car je ménage les articulations.

L’effort, encore…

Les oiseaux grappillent d’arbre en arbre. Des carouges, bruants chanteurs, bruants familiers. Là, j’entends le chant d’une paruline qui se tient un peu plus loin. La partie est gagnée. Je respire sans effort.

Je respire à nouveau cette vie qui s’éclate tout autour.

C’est la vie et son évidence silencieuse.

Je dois admettre que la nature me fait la leçon. Sa féroce envie de s’exprimer lorsque le temps est venu, lorsqu’un cycle est achevé et qu’un autre arrive, son énergie en latence puis en décollage puis en feu me rappelle que je suis fait de la même étoffe, qu’il y a des jours fastes et d’autres néfastes, mais que jamais je ne dois restreindre cette vitalité en moi qui ne demande pas mieux que de s’exprimer elle aussi, tout bêtement.

Le plus facile, c’est le retour. L’âme à fleur de peau…

17 mai 2010

Une idée simple

Une suggestion de lecture proposée par le journal leSoleil du 9 mai 2010 : « Une idée simple, Yvon Rivard, Boréal. »

Le chroniqueur nous indique que l’auteur « s’attelle à une entreprise de ré-enchantement, de re-spiritualisation et de ré-humanisation du travail intellectuel et créateur ».

Je suis d’accord, bien que je crois nécessaire de s’éloigner de la mièvrerie et du sentimentalisme suranné.

L’article nous apprend aussi que l’auteur s’est inspiré d’un propos de Camus : « L’art n’est rien s’il ne fait pas de bien et n’aide pas. »

Je vais lire et en donner des nouvelles…

7 mai 2010

Haute stratégie


Vous me diriez que le soccer (le foot, comme parlent les Français) est un sport de stratégie, de positionnement et d’attente et vous auriez tout à fait raison. Jouer en équipe est primordial. Le terrain est aussi vaste qu’un océan, les mêmes joueurs constamment en train de le labourer, il faut donc ménager ses forces et faire travailler tout le monde. Ça marche ainsi pour les pros, les maitres du drible.

La neige partie, les terrains asséchés, le jeu a repris en ville. Les enfants peuvent s’amuser à courir et botter du ballon dans une belle anarchie et un désordre général sans importance.

Il y a quelques années, j’ai accepté de coacher une équipe de jeunes garçons de 8-9 ans dans une ligue regroupant les différents quartiers de la ville de Québec. Je comptais m’amuser et entraîner les enfants dans cette même direction.

De fait, j’ai ri beaucoup. Mais pas toujours… Car, qui dit enfants, dit parents et les attentes de ces derniers se trouvaient parfois non proportionnelles à la simple réalité.

Les parents veulent et exigent, les enfants jouent.

Avant une partie, un père des mieux intentionné vint me trouver pour m’expliquer en long et en large une stratégie infaillible qui pourrait assurer une victoire certaine à notre équipe. Je l’écoutai attentivement. À côté de moi les gars couraient, se chamaillaient, exultaient en envoyant le ballon dans les buts. Un réchauffement bon enfant, comme à l’habitude. Je fis alors remarquer à ce père que je n’observais qu’un seul détail avant le premier coup de sifflet de l’arbitre. Un détail primordial. Il me demanda lequel. Je lui dis que je regardais attentivement chaque soulier des enfants pour savoir s’il était bien attaché.

Vous auriez aimé voir le visage de ce père…

Ma stratégie se résumait ainsi : si tu bottes allègrement le ballon, sans retenue, tu dois d’abord t’assurer que ton soulier demeure bien en prise. De fait, il arrivait fréquemment durant une partie qu’un jeune perdait son soulier et mettait notre équipe dans le trouble, le temps de le rattacher.

C’était la base. Je ne voyais rien d’autre. Et grâce à la complexité de cette stratégie, nous nous sommes rendus jusqu’en finale de notre groupe…

Morale?

6 mai 2010

Vérité et mensonge

« La vérité ne se dit jamais, elle se fait. La seule chose qui a besoin d’être dite est le mensonge. »

José Carlos Somoza, La Théorie des cordes, Actes Sud

5 mai 2010

Prendre aux mots

J’ai revu mon barbu assis sur son banc de l’autre côté de la rivière. Il regardait les canards colverts qui circulaient paisiblement près de la rive. Sa présence m’a rappelé une expérience survenue il y a près de trente ans à Montréal.

En compagnie d’un couple d’amis, je marchais dans la rue vers l’heure du midi après avoir passé la matinée à écouter des conférenciers à l’occasion d’un séminaire. J’entendis alors quelqu’un m’interpeller vers ma gauche, à quelques mètres. Je cessai ma marche et je m’approchai seul dans sa direction. C’était un homme de petite taille, dans la soixantaine, habillé d’un long paletot beige boutonné soigneusement sur le devant si je me souviens bien.

— Est-ce que je peux vous demander de me donner un peu d’argent? me dit-il en me regardant droit dans les yeux.

— Bien sûr, vous pouvez me le demander, lui répondis-je alors spontanément.

Sa réaction fut immédiate. Je ne voulais pas le blesser, encore moins me moquer de lui. Il se fâcha tout de même et me raconta en quelques mots ses déboires, qu’il fut un ancien professeur de philo, avait déjà été « à l’aise », et surtout : « Attention mon gars, à toi aussi ça peut t’arriver, tu peux tout perdre et te retrouver comme moi un bon jour. » Je lui donnai une pièce de vingt-cinq cents et je courus, penaud, rejoindre mes amis.

C’est plus fort que moi. Je m’aventure constamment dans le monde des mots et de la parole en prenant tout au pied de la lettre, certain que l’autre devant moi comprendra le trait d’esprit ou la subtilité. Quand ça fonctionne, il y a une franche rigolade, car c’est tout ce que je demande. Sinon j’y goute!

Cette expérience m’a sonné d’aplomb et depuis lors je fais un peu plus attention à certaines rencontres fortuites, soit avec des itinérants, des clochards ou toute autre personne dans le besoin. Je vois, j’écoute et me tais. J’ai compris la leçon, d’autant plus que j’ai tout perdu moi-même à deux occasions depuis lors. J’aurais pu sombrer dans le côté noir de l’existence, dans le vide sans fond de l’abrutissement.

L’avenir nous est inconnu et il n’y a jamais rien d’acquis. Tout peut basculer en un rien de temps. Les seules attitudes recommandables demeurent en conséquence le contentement et une certaine gratitude pour les bienfaits que la vie nous offre.