29 mars 2011

"Sauvé", la planète


« On n’est que poussière, méfiez-vous des plumeaux! »

André Sauvé

28 mars 2011

Wang Liang - Hautboïste

Nous irons "Hautbois"


J’ai entendu et vu jouer du hautbois pour la première fois vers l’âge de 10 ans. Un instrumentiste de l’orchestre symphonique de Québec faisait la tournée des écoles de notre région. On nous rassembla dans la grande salle pour rencontrer le personnage et profiter de sa présence inusitée. Il se tint devant nous sans un mot et exécuta alors une mélodie qui nous envouta littéralement. Je me souviens que nous étions tous suspendus devant les notes, charmés tels des serpents. Cette musique me semblait tout droit sortir du ciel et me toucha comme une caresse à la fois délicate et enveloppante.

Depuis lors, j’ai maintes fois écouté le concerto pour hautbois de Mozart. Toujours, j’ai été ravi. Je n’oublierai jamais aussi l’effet produit par cet instrument lorsque j’ai visionné pour la première fois le film de Roland Jaffé, The Mission. La musique composée par E. Morricone valait à elle seule le prix d’entrée.

Ces souvenirs sont indélébiles. Et ils me reviennent à l’esprit lorsque je lis le compte-rendu d’une entrevue qu’a accordée Liang Wang à la presse lors de son passage à Québec pour un concert en compagnie des Violons du Roy. Liang Wang est hautboïste soliste pour le New York Philharmonic.

Selon lui, « la musique est en nous avant la naissance. Elle fait partie de l’âme. C’est la raison pour laquelle elle a le pouvoir de résonner chez les autres. »

C’est ce pouvoir de résonnement qui me frappe d’abord dans la texture du son du hautbois. Cette sonorité vient nous chercher dans ce que nous avons de plus profond, car elle est pénétrante. Elle touche l’âme de l’auditeur, elle le fait vibrer pour l’inciter à s’exprimer à son tour.

Je ne suis donc pas du tout surpris de lire ces mots que nous livre aussi ce jeune hautboïste de trente ans : « Pour moi, l'âme existe avant la naissance. Il est possible de connaître cette partie de soi qui permet de découvrir ce vers quoi on se sent appelé. Je ne suis pas religieux, mais je crois en la spiritualité. Je crois fermement en ce que je peux faire et en ce que je représente. Je ne pourrais supporter l'idée de n'avoir pas apporté ma contribution, de n'avoir pas donné toute la musique que j'ai en moi.»

22 mars 2011

Permis de conduire


Cette vie sur terre n’a qu’un seul but, celui de nous démontrer hors de tout doute que nous avons toutes les habiletés requises pour la conduire sans nous blesser mortellement.

Se retourner


Seule la poursuite de la réalisation de Soi donne un sens réel et profond à notre vie. Tout le reste n’est que jeu et divertissement, pour peu que cela nous amuse de tourner en rond...

16 mars 2011

La création selon Robert Lalonde


Tiré d’un entretien dans La Presse du samedi 12 mars 2011, voici ce que pense le merveilleux écrivain Robert Lalonde sur la création, ou plus particulièrement le fait de s’arrêter pour écrire.

« S’arrêter pour regarder n’est pas une perte de temps, encore moins lorsqu’on est écrivain. C’est en fait une effervescence. Il y a une espèce de bonheur dans l’inutilité immédiate de la chose, confie-t-il. Robert Lalonde enseigne la création littéraire à l’université et il se dit toujours éberlué par l’impatience de ses étudiants, qui veulent mettre le doigt sur le génie tout de suite. Je leur ai demandé l’autre jour ce qu’ils trouvaient le plus difficile dans le travail d’écrire. La plupart m’ont répondu : cesser d’écrire sur Facebook. Les deux bras me sont tombés. Ils n’écrivent que là et ne se ressourcent pas ailleurs que dans leur vécu! Pourtant, en philo, on parle de plus en plus de l’acceptation du vide. De ne pas lutter et de ne pas vouloir meubler ça. Tous les écrivains et les artistes que je cite ont souvent en commun d’avoir éprouvé le vide à un moment ou à un autre de leur vie. On arrive généralement à la création par un manque, un trou, un vide, une absence. »              

15 mars 2011

Grandir


"On sait que nos enfants ont grandi quand ils cessent de demander d’où ils viennent et refusent de nous dire où ils vont."

P. J. O-Rourke

Chemise de travail en "Soi"


Cet après-midi-là, j’avais décidé de me rendre dans un amphithéâtre de la région pour assister à une représentation musicale mettant en vedette une chorale peu connue. Je m’assis dans les gradins sur le côté droit de la salle pour écouter. Un présentateur annonça que les chants seraient de types sacrés à consonance hindous et un certain nombre d’Indiens se présentèrent au même moment sur le devant de la scène. Je fermai les yeux et me laissai emporter par d’envoutantes sonorités, fredonnant moi-même un son répétitif dans ma tête.

Je me retrouvai subitement à l’extérieur de l’enceinte, marchant lentement dans un long corridor rempli de gens qui circulaient dans les deux sens. Après quelques pas, j’aperçus en retrait à ma gauche, à quelque dix mètres environ, une lueur qui pénétrait à travers une large porte vitrée. La porte dévoilait un parterre de fleurs coloré et d’arbres magnifiques qui resplendissaient au soleil. L’envie me pris de me diriger dans cette direction, mais je me ravisai en continuant dans le même corridor.

Ce qui se passait autour de moi m’intéressait au plus haut point, et j’étais curieux d’en connaître davantage sur les gens que je voyais déambuler et s’affairer. Mon attention était à son maximum. Je pris alors conscience que j’étais revêtu d’une très jolie chemise de « Soi » de teinte foncée, approchant le violet ou le rouge bourgogne et harmonisée d’une multitude de motifs complexes et bigarrés. Elle faisait corps avec mon être. C’était une chemise unique et j’étais le seul qui pouvait la porter.

Ma marche se poursuivit et j’aboutis bientôt dans une grande salle où des gens vaquaient à différentes occupations. Je fus cependant attiré par un groupe particulier assis deux par deux devant des échiquiers. Certains jouaient en silence et d’autres discutaient de la partie terminée, des bons et mauvais coups exécutés. Je m’approchai discrètement pour écouter. J’étais intéressé par les leçons tirées de leurs jeux : « j’aurais dû tenter ceci, j’ai craint de faire cela, je suis fier de ce coup, etc. »

Tout ça représentait la vie, comment des individus s’y prenaient pour la mener jusqu’à terme du mieux qu’il pouvait.

Je regardais, observais sans juger, fasciné, conscient d’exécuter une tâche précise, habillé de ma chemise de travail, prêt à aider et à rendre compte de la beauté et de la grandeur du sens que ces individus apportaient à leur existence ici-bas ainsi que des défis que cela comportait.

* Illustration: Mathieu Plante            

11 mars 2011

C'est sérieux là!

Je n’en reviens pas encore. J’ai pu voir de mes propres yeux un fait rarissime!

J’étais à la pharmacie, en attente d’être servi, lorsque j’ai surpris cette professionnelle de la santé en train de chanter puis rire en compagnie d’une autre professionnelle de la santé. Elles déconnaient en travaillant. Voyez-vous ça!  Non pas à l’abri dans un quelconque bureau anonyme, mais devant public, moi en l'occurrence.

J’ai esquissé un sourire dans sa direction, et je sais qu’elle m’a vu.

J’aurais voulu lui dire que j’ai trouvé ce moment exquis. Rien que ça. Puis j’ai songé à plusieurs années passées au travail où je déployais des trésors d’imagination afin d’aider mes confrères et consœurs de bureau à prendre un peu de recul devant des problèmes rencontrés, un recul serein et empreint d’humour. C’est tout ce qui m’importait.

Se prendre ou ne pas se prendre au sérieux. That is the question! Je suis persuadé que l’âme humaine, son essence est d’un naturel joyeux, persuadé qu’elle est aimable et pénétrée à ras bord d’une douce énergie. Mais voilà, elle est confrontée le plus souvent à la froide raison, au calcul bureaucratique, aux technocrates, à l’opinion publique toute puissante, au droit et, last but not the least, au dénigrement constant des apôtres de la perfection et autres adorateurs de pureté et de sécurité absolue. Assez pour assommer une joie de vivre…

On vous surveille! Prendre l’autre en défaut, le démolir, le faire chanter et le ridiculiser semble quasiment la norme. Voyez les WikiLeaks, les QuébecLeaks. Voyez les petites vidéos assassines sur Youtube. Les médias populaires en redemandent!

C’est sérieux la vie. Quand on pense à tout ce qui peut nous arriver de terrible! Alors, on exige de la rigueur, de l’assainissement, les accidents sont impardonnables, les coupables partout.

Bref, nous avons peur. Nous avons peur de la mort et cette obsession, car c’en est une, a fini par contaminer la vie. Nous avons donc peur de la vie, son incertitude et de ses coups du sort. Nous avons une peur malsaine de la folie, du rire, de la spontanéité, du laisser-aller, de l’absence de cadres rigides, des microbes et de l’inconnu. Nos religions ne sont pas mieux nanties. Que de gravité, de dogmes rigides et de « bonshommes sept heures »!

Alors si vous assistez en direct à une manifestation spontanée de folie douce chez des adultes au travail, dites-vous que ce sont des héros et héroïnes que vous venez de surprendre. Ce sont des exemples à suivre.

S.v.p., ne les montrez pas du doigt. Ne dénoncez pas ce qui pourrait vous sauver!  

"Le cru et le su"


« La vérité est plurielle. Il y a tout juste des programmes de vérité qui répondent à telle visée de la conscience.»

Lucien Jerphagnon, Les dieux ne sont jamais loin.

8 mars 2011

L'enfance de l'art


Il y a des moments de reconnaissance dont je suis particulièrement sensible. Vous savez ces moments où vous dites en toute candeur : « Ah, pourquoi n’ai-je pas vu cela auparavant, comment est-ce possible? » L’esprit demeure quelques instants en suspend puis s’émerveille de nouvelles trouvailles. Des années de tâtonnements à côtoyer l’évidence n’y changent rien. C’est comme si notre conscience n’avait pas été encore prête à accepter la lumineuse clarté d’un fait qui saute aux yeux. Une illusion tenace masquait le tout. Un bon jour le brouillard s’effiloche et une vérité surgit toute simple, pleine d’une autorité que nul ne peut démentir.

Ces moments sont privilégiés, car ils nous aident à accepter notre ignorance, et admettre le caractère provisoire de cette même ignorance. Encore faut-il désirer ardemment la vérité. Encore faut-il accepter le doute et le cheminement dans la noirceur.

Notre enfance, pour peu que les conditions soient propices, baigne dans cet exercice constant:  je ne sais rien, j'apprends, j'apprends, je ne sais rien... Surgit ensuite une pause, car il faut assimiler les connaissances, les faire siennes et s’imprégner de la culture ambiante.

L’enfant aime comprendre, aime créer. Ses yeux sont toujours grands ouverts. C’est plus tard que ça se complique, lors du choix d’adhérer à la conformité, d’adhérer à une croyance ou une idéologie. Les moments d’émerveillement diminuent alors comme une peau de chagrin, les certitudes l’emportent, l’aventure se termine, les mots se figent.

Comment faire alors pour retrouver notre « terra nova » et y expérimenter de nouvelles découvertes? Une recherche constante est-elle la réponse? L’amour de l’émerveillement est-il la solution?

L’âme voyage, suscite des expériences qui ont du corps et du chien, elle bouscule, se rebelle. Elle veut connaître et par-dessus tout se libérer. Elle veut le bleu du ciel et la profondeur de la mer. Elle veut la folie et les joies de l’amour. La normalité l’effraie, car s’arrêter ne fait pas partie de ses plans.

Elle veut l’infini et s’ébahir devant le silence de montagnes absolues.  

4 mars 2011

La revanche des arbres


Un entrelacs de branches nues s’époumone vers les hauteurs d’un ciel d’hiver qui n’en finit plus de se défendre. Ces branches s’entortillent de près, se caressent, dessinent des lignes en montagnes russes pour s’amuser et peut-être pour se réchauffer en se donnant du courage. Je les entends murmurer entre elles, se dire des petits mots doux et se prononcer sur le temps qu’il fait; s’attendrir sur une promesse d’oiseaux et de nouvelles pousses printanières.

Je les observe par ma fenêtre; les grands arbres, mes nobles géants ne bronchent pas. Je me demande s’ils utilisent beaucoup d’énergie pour seulement se maintenir debout? Je sais qu’ils travaillent fort pour ne pas terminer congeler, je sais qu’ils sont faits solides, mais quand même... Leur mort apparente s’allie à ma volonté d’en finir avec ce froid lancinant qui s’étire comme une sombre nuit de l’âme. Que serait la chaleur sans son contraire, que serait la lumière sans l’obscurité?

Tout printemps arrivé, mes arbres émergent d’un ennui de glace. Mais avant, je les surveille, souffre avec eux dans le silence et le vent d’un Grand Nord affolant. Je leur donne mon soutien, les érige en dieu des humeurs solides, des humeurs sincères qui ne vacillent pas devant la tourmente. Je les fais naître à mon désir de m’unir à leur beauté. Ils sont ma revanche en friche d’une terre à produire.

Mes arbres donnent le goût d’une vie qui chancelle, qui frémit, qui se couche et se relève, qui explose dans tous les tons, à tout jamais.

Mes arbres expriment le seul amour qui compte, l’amour créé malgré la souffrance.

3 mars 2011

Shams de Tabriz


Tirés du magnifique livre d’Elif Shafak: Soufi, mon amour, quelques citations qui sont en fait des règles — il y en a 40 au total — dont le personnage Shams de Tabriz répand dans son discours au fil des péripéties du roman.

« Tu peux étudier Dieu à travers toute chose et toute personne dans l’univers parce que Dieu n’est pas confiné dans une mosquée, une synagogue ou une église. Mais si tu as encore besoin de savoir précisément où il réside, il n’y a qu’une place où le chercher : dans le cœur d’un amoureux sincère. »

« Est, ouest, sud ou nord, il n’y a pas de différence. Peu importe votre destination, assurez-vous seulement de faire chaque voyage un voyage intérieur. Si vous voyagez intérieurement, vous parcourrez le monde entier et au-delà. »

« Les sages-femmes savent que lorsqu’il n’y a pas de douleur, la voie ne peut être ouverte pour le bébé et la mère ne peut donner naissance. De même, pour qu’un nouveau Soi naisse, les difficultés sont nécessaires. Comme l’argile doit subir une chaleur intense pour durcir, l’amour ne peut-être perfectionné que dans la douleur. »

2 mars 2011

Leçon de la nature


Je ne froisserai personne en affirmant que la nature nous offre des bienfaits en abondance pour peu que nous la reconnaissions et la côtoyions de près. Même transformée en un lieu moins sauvage au fil des siècles, elle conserve son pouvoir d’attraction et nous pousse sans cesse à nous questionner sur le rôle que nous tenons en tant qu’humains.

Ce court préambule sur l’importance de la nature, je le dois à la lecture régulière et sérieuse de chroniqueurs de la chose publique, sociale et politique qui tâtent le pouls de notre « art de vivre ensemble ». Je pense à un, en particulier, très bien connu, qui me semble avoir un sapré mal de tête, à force sans doute de se mettre le nez directement dans le relent nauséabond qui émane de la couverture de nos journaux.

Je le comprends un peu, je l’avoue. Mais est-ce à dire que la réalité se résume essentiellement aux quelques premières pages publiées par nos médias de masse les plus connus? Violence, corruption, injustice, misère, est-ce tout?

Le déclin continue, nous martèle ce chroniqueur, en faisant référence au film coup-de-poing de Denys Arcand que nous avons pu voir avec grand intérêt il y a maintenant 25 ans. « Dans Le Déclin de l’empire américain, l’auteur brossait le portrait d’une élite rongée par le confort, le cynisme et l’indifférence, nous rappelle-t-il. (Exactement comme de nos jours), nous voyons une désagrégation de la société, une corrosion morale, un effondrement, une implosion.

Tout crisse le camp.

La corruption est partout, on ne croit plus en rien ni personne, les valeurs s’entrechoquent, tout le monde tire la couverture de son bord… »


Mais peut-être se trouve-t-il là le problème. Dans les allusions cyniques sans cesse renouvelées d’une élite d’intellectuels qui prétendent avoir tout vu et entendu et qui restituent leurs constats avec dégout et force détails en se gardant bien de s’inclure dans tous les malheurs ainsi décriés. Nous faire la leçon est bien assez. Leçon de morale, il va sans dire…  Il me vient à l’esprit l’image des inquisiteurs au moyen-âge qui traquaient l’hérésie et le péché, et qui les trouvaient partout autour d’eux, comme de raison. Ces chroniqueurs qui sévissent un peu partout jouent le même rôle à maints égards.

Trop de civilisation et d’information finiront-ils par nous jouer des tours?

Je reviens à mon préambule plus haut, car avant qu’ils ne deviennent complètement gagas, serait-ce superflu de proposer à ces chroniqueurs-pourfendeurs quelques moments opportuns loin de la civilisation, un peu de repos dans la nature, un peu de distance? Il y a une vie en dehors des médias, des faits divers, de la politique, des opinions tranchées et des prises de position de confrères et consœurs flirtant avec le mépris. Une vie s’élabore, une vie se crée et s’épanouit librement dans le respect des cycles, des bouleversements et des renaissances. Il n’y a pas d’acquis dans la nature, il n’y a que mouvement, changements profonds et rythme. Et pourtant elle est d’une indicible beauté.

Serait-ce la leçon qui nous conviendrait le mieux?