27 août 2012

Pierre Bertrand, philosophe québécois.


J’ai déjà cité dans ce blogue l’auteur Pierre Bertrand. Je trouve remarquable son humanité ainsi que sa capacité à expliquer simplement les choses de la vie sans emprunter des termes abstrus et incompréhensibles.

Il démontre, il dévoile ici et là, nuance. C’est tout et c’est énorme. Personnellement, je n’en demande pas plus.

Je suis à lire « La part d’ombre », un de ses derniers et multiples ouvrages. Il est très prolifique, il faut le dire…

Voici ce que j’en ai retenu.

D’abord une remarque magnifique sur le rôle du philosophe :

  • « Si le philosophe peut aider, ce n’est pas en révélant une quelconque vérité ou en faisant la morale, mais en indiquant au contraire les nombreuses raisons d’être modestes et sceptiques. L’enjeu est de demeurer fidèle à une vie plus grande que nous. (…) Il faut voir au-delà des frontières dans lesquelles nous nous situons. L’enjeu du combat n’est ni la blessure ou la mort, mais la vie. Nous combattons pour protéger la vie de ce qui l’abaisse, l’entrave, l’étouffe et la détruit. »

  • « Notre volonté trop exclusive de raison ou de logique nous induit en erreur. Nous acceptons mal nos contradictions. Nous pensons que ce sont nos contradictions qui nous rendent faux, alors que c’est plutôt notre volonté de ne pas en avoir, d’être logiques, d’être homogènes ou tout d’une pièce. Des contradictions nous nous sentons coupables. »

  • « La vérité n’est pas quelque chose que l’on puisse identifier, saisir, définir et nommer. Elle déborde la pensée et le langage. La part de fausseté, de fabulation ou de fiction ne s’oppose pas à la vérité, mais en fait plutôt partie, la vérité n’étant qu’un autre nom pour la réalité ou la vie. (…) Il ne s’agit pas d’être vrai, mais de tenir compte de la part irréductible de fabulation ou de fausseté. »

  • « Quand nous sommes jeunes, nous voyons paradoxalement les choses de haut, jugeant facilement les gens, comme si nous-mêmes étions et allions toujours être impeccables. »

  • « La réalité n’est pas celle que nous nommons et à laquelle nous aspirons dans nos idéaux, mais elle est plutôt chaos. De toutes nos actions, je privilégie l’action créatrice, car elle est celle qui tente de donner une forme au chaos de manière à ce qu’il devienne vivable. L’action de créer transforme l’obstacle en tremplin, l’impasse en chemin, la souffrance en joie. (…) Cette action créatrice ne nie pas la réalité, mais au contraire part d’elle. (…) Loin de moi l’idée d’entretenir le mythe de l’artiste maudit, mais si nous nous trouvions dans des conditions idéales, nous n’aurions plus à créer, nous n’aurions, comme des dieux, qu’à contempler! »

  • « L’amour est le vrai sel de la terre, sans lequel tout le reste semble fade. Il nous donne des ailes, nous incite à donner le meilleur de nous-mêmes et à nous dépasser. L’amour est le sens de la vie. Dans l’amour, on n’aspire pas à autre chose, on sent que le but est atteint, un but qui nous accompagne, loin de se trouver devant nous. L’amour nous donne des forces. »

16 août 2012

Maturité


« L’homme qui manque de maturité veut mourir noblement pour une cause. L’homme qui a atteint la maturité veut vivre humblement pour une cause. »

Wilhelm Stekel. Citation tirée de L’attrape-cœurs de J.D. Salinger.

Pour l’anecdote, lors de l'avènement au pouvoir du nazisme, Stekel qui était fils d’un Juif orthodoxe et psychanalyste dans la lignée de Freud prend l'avion via Zurich pour Londres où il se suicidera le 25 juin 1940.

15 août 2012

Le vélo, le bonheur!


Allez, je le répète une fois de plus: le bonheur, c’est de rouler à vélo. Le vrai bonheur, je veux dire. Pas un succédané, pas une pâle imitation. Je pense plutôt à une porte ouverte à la transcendance qui déborde du commun, un dépassement de soi-même qui conduit directement au sublime. Voyez seulement les gens que vous croisez sur les pistes cyclables, la route ou la rue. Qu’est-ce que vous remarquez en premier? Un sourire de contentement, des yeux brillants, une décontraction dans l’effort. Ce n’est pas rien… Il y a là un fait indéniable.

Il faut le souligner à grands traits. Rouler n’est pas se faire rouler. D’où ce bonheur à peu de frais.

Je vois deux raisons à cette extase païenne nouveau genre.

D’abord, le simple fait d’avancer et savoir que nous en sommes l’unique raison, l’unique agent. La voie devant nous s’entrouvre à chaque coup de pédale. Nous agissons, nous avançons, en toute conscience, ici maintenant. C’est le prodige! Réaliser avec acuité et certitude que nous demeurons les seuls responsables, en toute liberté il va sans dire, de notre avancée sur un chemin, quel qu’il soit, n’a pas de prix. Enfin, nous savons hors de tout doute que nous contrôlons un processus.

Ensuite, bénédiction absolue, nous en venons, tout naturellement, sans effort, à ne plus penser. À ne penser à rien, comme on dit. Le vide, le silence. Hors de la ceinture de soucis habituelle qui nous coince l’esprit et tout le reste.

Priceless!

Un moment de grâce.

Nous sommes heureux.

Nous aimons.

Une récompense méritée.

Je devrais fonder une religion, à bien y penser.


Murmures nocturnes


« L'homme est une légende dont le sens s'est perdu. Mais le sens est toujours là, déposé au creux du langage, dans les récits que nous murmurons la nuit quand le sommeil nous fuit. »

Olivier Cohen

13 août 2012

Ce qu’enseigne la rivière…


Je me rends souvent à vélo jusqu’à la rivière St-Charles qui serpente à travers Wendake, le village des Hurons près de Québec. Je pars tôt le matin, à la recherche d’une tranquillité que je retrouve chaque fois près des chutes Kabir Kouba. Je m’assois sur un talus d’herbes ou une grosse roche et là je regarde la rivière se dandiner les fesses devant moi…

Comme la flamme ou le regard d’un jeune enfant, la rivière hypnotise. Elle conduit au silence, à la contemplation.

Je m’enfonce. Les certitudes, les engouements, les emportements, tout ça diminue et finit par s’estomper, à se liquéfier au rythme des flots dans leur force mouvante.

Il n’y a pas à avoir peur, il n’y a pas à avoir honte de douter et de remettre en question ses attachements ou croyances, idées ou vision des choses. Cette pensée me vient à l’esprit, et son contraire me semble vrai aussi : il n’y a pas de honte à croire résolument. Ne serait-ce qu’en ses propres moyens, qu’en ses capacités à se forger un destin unique, un destin d’homme qui s’efforce inlassablement à devenir ce qu’il est. Croire est bon, est humain. Il importe cependant ne pas ignorer que nous croyons et de feindre que nous savons hors de tout doute. Les certitudes, les dogmes sont tenaces. Une fois en place, ils s’enferment sur eux-mêmes et se « trounoirisent » afin d’absorber tout ce qui gravite autour.

La rivière m’apaise. Au bout d’un moment, d’autres pensées viennent affleurer ma conscience. Elles surgissent tout en douceur, sans faire de bruit.

Tu ne sais rien. Mais ne tombe pas dans la crédulité afin de compenser cette ignorance. Sache seulement que tu ignores et ne fais pas semblant de connaître. Explore.

Ne prétends pas maîtriser la vie si tu ne sais pas même maîtriser tes propres pensées.

Sois bon.

Me vient finalement à l’esprit cette phrase de Dany Laferrière puisée dans son livre L’art presque perdu de ne rien faire. L’auteur raconte comment il aimait jouer avec les fourmis durant sa jeune enfance à Haïti, sa grand-mère le surveillant du coin de l’œil en se berçant sur sa galerie. Il écrit ces mots magnifiques, quasiment insensés : « Nous ne faisions rien de mal cet après-midi-là. Et c’est cela à mon avis le seul sens à donner à sa vie : trouver son bonheur sans augmenter la douleur du monde. »


12 août 2012

Coup de balai


La poussière s’accumule dans la maison. Les planchers s’amusent à ramasser tout ce qui traîne. Ces petits minous avec lesquels on pourrait se tricoter un chandail, comme dirait ma douce. J’embraye donc, empoigne le balai solidement, chantonne ou sifflote un air quelconque puis exécute mon pas de deux. Le coup de balai c’est plus zen et calmant que l’aspirateur, soit dit en passant. Un petit labeur tout en simplicité et douceur. Un petit labeur nécessaire qui me rappelle chaque fois la très belle histoire de Yunus Emré racontée dans un des livres d’Henri Gougaud.

Lui aussi en a balayé un coup. Il était venu au monastère d’un vieux maître aveugle afin de découvrir la vérité. "Elle te viendra peu à peu, lui promit-il. Mais pour l'instant, ton travail sera de balayer sept fois par jour la cour du monastère."

Ce qu’il fit. Sauf que personne ne le remarquait, personne ne lui parlait, pas même son maître. On le laissait à sa tâche ingrate mais nécessaire, le monastère se trouvant dans le désert, alors pour ce qui est de balayer…

C’est d’Arnaud Desjardins que j’ai retenu ces mots : « L’important n’est pas tant de faire de belles et grandes choses, mais de faire ce que tu es en train de faire avec grandeur et beauté. »

Une bonne attitude donc. Avec beaucoup de patience, dans la joie, sans rien attendre de personne, simplement parce qu’il est bien et bon de faire.

Afin de participer à l’humble création de la beauté et de l’harmonie autour de soi.

Est-ce bien ce que le maître de Yunus voulait lui enseigner : oublier les attentes personnelles, oublier la reconnaissance, les récompenses, agir plutôt pour "apporter un peu de vie à cette vie ingrate et imparfaite qui en a bien besoin". Apprendre à donner sans rien attendre en retour. Créer du beau dans la mesure de ses capacités?

Je mets en relief cette attitude non pas pour l’opposer au fait de travailler et de gagner sa vie, au fait d’avoir des ambitions et un désir tout naturel d’améliorer le monde autour de soi. Rien de plus normal, il va sans dire. Donner un coup de balai est plutôt une métaphore dans le sens de dépoussiérer le dogmatisme des croyances. Je pense à celles qui sont des havres de repos et de consolations pour ses dévots. Je pense à celles qui promettent délices de l’après vie ou sur cette terre aussi. Faites ce qu’on vous dit et vous serez gagnant! Vous n’aurez plus besoin de vous réincarner, ne vous en faites pas! Il faut seulement servir la cause, employer les bons mots.

Un arrêt. Que plus rien ne bouge. Certitude absolue. Propreté absolue. Manger des raisins en jouant de la harpe sur un nuage. Un million de vierges qui vous attendent au ciel suite à votre martyr. Suivez la règle, ne pensez plus, ne doutez plus.

Croyances égalent récompenses et un arrêt définitif de tous doutes.

Cependant, avec le temps, la poussière s’accumule.

J’ai souvent perçu la conscience humaine comme un miroir reflétant un univers de possible, un intérieur inconnu sans limites. Ce miroir ne faut-il pas le nettoyer quand le moment l’exige? Sinon un miroir ne reflète plus rien, hormis la poussière de ses ambitions personnelles.

Sommes-nous que poussière finalement?

6 août 2012

Sceptique?


« Le fait qu'un croyant est plus heureux qu'un sceptique n'est pas plus pertinent que le fait qu'un homme ivre est plus heureux qu'un homme sobre. »

George Bernard Shaw