18 décembre 2012

Pourquoi?

« (…) devant la question “pourquoi suis-je sur terre?”, il est rare que les patients nous parlent d’unité morphologique et fonctionnelle constitutive de l’être vivant, formée en général d’un noyau entouré d’un cytoplasme, lui-même limité par une membrane périphérique. Par contre, tous nous parlent de Dieu, les athées comme les autres. Quand on leur demande de quoi ils souffrent, aucun d’eux ne répond avec son code génétique. »

Maxime Olivier Moutier, La Gestion des Produits.

7 décembre 2012

L'homme qui s'interroge

« Ma voix est simplement celle d’un homme qui s’interroge; qui, comme tous ses frères, lutte pour faire face à une existence agitée, mystérieuse, exigeante, intéressante, décevante, confuse où presque rien n’est vraiment prévisible, où toutes les définitions, explications et justifications deviennent incroyables avant d’être prononcées, où les êtres souffrent et sont parfois admirables, ou terriblement pitoyables. Une vie où beaucoup de choses sont effrayantes, où tout ce qui est public est manifestement faux, et où il y a en même temps un immense fond d’authenticité personnelle, sous nos yeux, si évident que personne n’en parle et ne peut même pas croire qu’il existe. »

Thomas Merton, Contemplation in a world of action.

Le métier d'être humain

« (…) J’aimerais pousser cette vérité un peu plus loin, là où la distinction s’abolirait, là où être écrivain et intellectuel serait une seule et même chose, un même métier qui consiste, sinon à sauver le monde, du moins à maintenir vivantes les valeurs qui en retardent l’avilissement ou la destruction. Un métier qu’on exerce aussi bien lorsqu’on écrit que lorsqu’on agit, un métier qui ne requiert aucun don particulier et qui exige même parfois d’en avoir aucun, un métier qu’on devrait exercer sans relâche, le seul métier à l’abri du chômage puisqu’en fait ce métier c’est celui qui nous oblige à être humain, à conquérir notre humanité. »

Yvon Rivard, Une idée simple, Boréal.

6 décembre 2012

Redoutable beauté

« Le miracle, esthétiquement parlant, c’est qu’il y ait un monde. Que ce qui est soit » Ludwig Wittgenstein.
« Le beau oblige » Félix-Antoine Savard
« Le beau est ce qui rend heureux » Thomas de Koninck
« Pourquoi, malgré d’innombrables divergences de nature et de goût, tout être humain est-il attiré par le beau et s’écarte de ce qui lui semble laid, pourquoi sommes-nous ainsi faits? » Thomas de Koninck


De grosses bêtes protéiformes broutaient librement dans le ciel. Il y en avait une justement, là devant moi, que j’embrassais du regard à travers le pare-brise de mon auto. Je roulais à travers la campagne sur une petite route en lacet et mes yeux n’arrêtaient pas de fixer l’immense cortège de cette masse blanchâtre. Je ralentis, subjugué.

Quelques minutes auparavant j’avais inséré dans la chaîne stéréo une cassette d’un compositeur polonais que je venais de découvrir : Henryk Gorecki. « Les chants plaintifs » de sa symphonie no 3 envahissait l’espace restreint de ma voiture et je montai le son à mesure que cette lente mélopée m’imprégnait. Elle se déploya à la cadence du nuage en expansion.

Deux géants complices d’une terrible mise en scène.

J’aimerais dire que la beauté parfois me jette à terre ou me fait plier les genoux. J’aimerais dire qu’elle est redoutable, qu’elle dégage une puissance supérieure à mille bombes atomiques. Je voudrais dire surtout que le monde est et demeure d’une extraordinaire beauté et que cette beauté, pour peu que nous la reconnaissions dans nos vies, nous sert de nourriture. Elle est le pain et l’eau de nos émotions ainsi que de nos sentiments profonds envers l’existence. Elle nous guide vers la création d’un sens qui aime à se déployer à l’image de la musique et de la lumière des nuages.

La beauté n’exige qu’étonnement et tendre admiration. Elle nous sert à basculer dans une zone franche dépouillée de la douleur, des doutes et de la honte. Elle remet en selle.

La beauté n’est pas un luxe puisqu’elle part de tous les regards existants, elle git dans tous les êtres et ne désire que partage et cette assurance que tout va pour le mieux malgré les contrariétés et la dureté d’un monde imparfait décriée avec tant de ferveur. Pas de doute qu’il est imparfait, grossier, violent et sanguinaire. Mais il est aussi son contraire et cette seule certitude devrait nous porter comme elle a porté tant d’artistes et de visionnaires.

La beauté est redoutable. Elle force à admettre notre humilité, notre humanité.

5 décembre 2012

Apophatisme et autres mignardises de même acabit


Si vous cherchez le terme sur Wikipédia, vous verrez qu’apophatisme vient du mot grec apophēmi qui signifie nier. Par définition, c’est une approche philosophique fondée sur la négation. Et, je ne vous le cacherai pas, ça concerne surtout la théologie : ce que Dieu n’est pas. Non pas ceci, non pas cela… Jusqu’à ce qu’on en arrive à si peu qu’il ne reste plus rien : le vide, le silence. Ce qui n’a pas été sans apporter son lot de problème aux tenants de cette approche dans la chrétienté. Dogmes obligent…

Comme je suis plus terre-à-terre, j’utilise cette même méthode afin de tenter de résoudre certains problèmes qui me chatouillent. J’y vais par élimination. Ça ne peut être ceci ou cela, égale donc à la toute fin : la bonne réponse. Et souvent il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

Il y a quelques années, mon auto me fit faux bond à plusieurs reprises. La pile rendait l’âme, une après l’autre. Le Club Automobile (CAA) venait me dépanner, en installait une nouvelle, et ça recommençait. Pourtant, l’alternateur était neuf, le filage OK, l’auto démarrait bien même par temps froid. Désespéré, je dis alors à mon mécanicien à une énième visite au garage que si on procédait par élimination il ne restait plus grand-chose à vérifier. Peut-être une lumière qui persiste à demeurer allumer lorsque la voiture est arrêtée. Et comme c’était l’hiver, la pile se vide. Le mécanicien fit le tour des lumières et bingo, découvrit la suspecte dans le coffre à bagage.

Le diable est dans les détails. Sans doute pour cela que l’Église a toujours régné dans la louange de ses grands dogmes abstraits et immuables…

Par la même méthode, j’ai mis le doigt sur le pointu d’un problème survenu dernièrement. Cette fois-ci sur la santé de mes yeux. J’ai mentionné à mon ophtalmologue que je voyais des filets lorsque je me tournais les yeux en face d’une surface pâle, mais je ne m’en inquiétais pas outre mesure. Au secondaire, à l’école, je me suis passionné pour l’étude des yeux dans mes cours de bio. J’ai dit à la blague au médecin que le problème était dû à ma « mauvaise humeur vitrée », car j’avais fait le tour de la question et je ne voyais rien d’autre que l’intérieur de l’œil comme la source du problème. Il me confirma le diagnostic : l’humeur vitrée. Je lui posai d’autres questions et, à la fin, lui mentionnai que ce devait être de petites concrétions dans l’humeur vitrée qui me jouaient des tours. Il me montra ses notes sur mon dossier. Il avait écrit exactement la même chose : concrétion.

Je ne suis ni médecin encore moins mécanicien. L’approche par la négation me permet cependant d’éviter des écueils. Entre autres, d’appréhender des mystères et des conspirations partout, ensuite de me raconter des histoires afin d’éviter de voir les choses en face.  

La peur et l’anticipation à outrance agissent comme agents provocateurs de débordements et d’une accumulation de données souvent superflues. C’est plus stimulant émotionnellement, plus sexy. Il y a aussi cette impression d’agir, d’être proactif, d’intervenir et faire avancer les choses. Peu pour moi.

L’apophatisme, une méthode scientifique pour réfuter l’illusoire et les fardeaux inutiles. Un mode de vie.

L’apophatisme garant d’une bonne santé physique et mentale.

L’apophatisme favorise la régularité…

L’apophatisme.

L’apo.

L’.
…