18 janvier 2013

Avaler sa pilule

Petit tour en pharmacie accompagné par ma douce et ma grippe. Main dans la main. Le défi était trop grand pour me rendre seul, je m’y serais perdu, c’est certain. L’aventure aux limites du possible consistait à trouver une simple bouteille de Tylénol en format ordinaire, de base. En cinq minutes, top chrono.

Je pensai à Thérèse d’Avila…

En face de deux rayonnages débordant de pilules de toutes sortes, un haut-le-cœur s’accrocha à mes lèvres sèches. Je me suis mis à psalmodier, chercher un mantra et un sens à la vie. Une chatte aurait eu de la peine à retrouver ses petits. Douze gigazillions de bouteilles, de formats, de boîtes qui me narguaient : « Je suis ce qu’il te faut! »

Ma fièvre empira. J’hallucinai un produit pour combattre la sinusite pour nez aquilin, un autre pour nez épaté seulement. Pilule pour soigner une gorge nouée, une autre pour gorge profonde, une toux grasse, rauque, déchirante, nerveuse. Nous avons de tout!

Je revins à la maison, tremblotant. C’en était trop, j’allais mourir. Mais avant de trépasser, je me suis assis au salon avec la dernière revue Actualité. J’ai lu sur la page couverture : « Et si on se simplifiait la vie? » Ce serait tendance pour 2013.

Je pensai à Thérèse d’Avila…

Le titre de la revue me semblait prometteur. Désenchantement… Moi qui vois la simplicité comme un art du détachement, un désencombrement minutieux dans ses pensées et une approche teintée de grand respect envers la nature, voilà qu’on me sert la même poutine grasse dans sa sauce brune de la gestion de notre temps et de nos achats, seules critères d’une vie réussie et bien remplie, il va sans dire. Il faut acheter la bonne tablette, l’iPad évidemment. Tellement plus intuitif. Mon intuition à moi me dit de me méfier. Rien ne nous oblige à nous embarrasser de tous les derniers gadgets à la mode. Puis on nous exhorte à assainir nos finances personnelles, concilier travail et famille, faire des listes et même de mieux manger au restaurant. Si vous ne le faites pas, c’est vous le pire. On ne vous souhaite pas de culpabiliser, mais c’est tout comme. Il y a quelques décennies à peine, il fallait aller à la messe tous les dimanches, se confesser, savoir le petit catéchisme par cœur et écouter notre curé. Garantie à vie, gestion idéale pour l’éternité! Sinon, l’enfer.

Je pensai à Thérèse d’Avila.

Le gros bouquin de Marcelle Auclair sur la vie de la sainte espagnole du 16e siècle trône sur la table du salon depuis quelques semaines.

Je lis qu’elle était une femme exceptionnelle, une féministe avant son temps, et belle, intelligente, gracieuse. Une femme d’action qui a eu maille à partir avec tous les énormes préjugés de son époque. Et j’ajouterais avec nos préjugés actuels. Connaissons-nous vraiment cette femme?

« Tout n’est rien, le monde est vanité, la vie est brève. » Est-ce la fièvre qui me fait accepter sans rechigner ces mots de la carmélite? La maladie nous apporte quelquefois de ces moments de lucidité, une fêlure dans l’édifice de nos croyances et une petite lumière se fraye péniblement un chemin dans notre conscience.

Cette grande dame, j’aurais donc aimé la rencontrer! D’autant plus qu’elle adorait rire, chanter, danser. Et, imaginez, elle savait jouer aux échecs. Elle pratiquait le noble jeu régulièrement. Elle s’en servait comme image pour expliquer le processus de développement intérieur.

Nous avons besoin de si peu. L’essentiel se cache en nous.

J’avalai ma pilule…

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