Elle faisait bien petite à
regarder, il y a à peine un an, ma « cai dou shu ». Depuis lors, elle
est devenue arbuste et je l’appelle dorénavant ma ballerine verte. Elle se
dandine et tourbillonne dans son pot, laisse échapper quelques pas de danse et
entrechats dans mon salon, gorgée de soleil toute la matinée, gorgée de lumière
qui entoure son visage de poupée de Chine.
Je vois sa tête minuscule
entourée de deux bras qui pointent le ciel. Elle caresse le projet de s’envoler
vers un grand ailleurs et de m’y entraîner avec elle. Son millier de feuilles
m’entourerait pour me protéger et me garantirait un voyage hors du commun où
arbres et fleurs seraient rois et reines de troupes multicolores en marche dans
des printemps éternels
Je l’observe du coin de l’œil
lorsque je médite à ses côtés. Elle me magnétise. Elle est la flamme émeraude
qui jaillit hors de son foyer de terre, elle ralentit le temps. Elle lance des
mots feutrés qui se détachent en grappe du bout de ses branches pour fermer
ensuite la boucle au creux de mes carnets de notes, refuges des pensées
secrètes qui m’attristent et m’assombrissent. Je songe à sa sérénité lorsque la
douleur m’incommode. Elle me guide, devient mon maître, le sait-elle? Dans le
tourbillon des expériences multiples autour de soi et en soi, n’est-il pas
avantageux de se voir entouré par ces êtres qui t’apportent courage, force et
amour? Une simple présence rassurante et silencieuse ne vaut-elle pas davantage
que tous les soins recherchés parmi des milliers de mots apaisants qui jalonnent
notre existence mais sans nous toucher?
Ma ballerine verte, mon
émeraude dansante tu me dis tellement à travers ton silence que ce serait faute
énorme que d’ignorer l’étonnant mystère de ta beauté.